REMETTRE LE CAMEROUN DANS L’HISTOIRE

Concierge de la République

REMETTRE LE CAMEROUN DANS L'HISTOIRE  Concierge de la république
REMETTRE LE CAMEROUN DANS L’HISTOIRE Concierge de la république

Le Cameroun est le seul pays en Afrique qui depuis son indépendance n’a connu que deux présidents. Nous savons tous, c’est très souillant, et quel que soit l’intelligence – la brillance – des Camerounais, cette honte historique sera comme une tache sur nos visages, tâche qui fait qu’on ait de l’aversion à se parler, et qu’on se méprise entre Camerounais. Car ce qui nous divise, c’est le reproche qui est autoflagellation – ‘à qui la faute?’ ‘A toi!’ ‘A toi!’ Ces deux présidents sont différents l’un de l’autre, dira-t-on pour se cacher, mais ils sont une continuité. La différence cependant, et il y’en a une, est celle-ci, selon moi. Le but d’Ahidjo était d’effacer quelques personnes de l’histoire – Um, Ouandie, Moumie, etc. Ces personnes c’étaient les nationalistes, c’est-à-dire ceux qui avaient combattu pour l’indépendance et la réunification, qui en avaient eu l’idée, et qui étaient morts pour cette idée-là, laissant place au régime du faux. La différence c’est cependant que pour Biya, c’est le Cameroun tout entier qu’il veut effacer de l’histoire – c’est le pays même qu’il faut rendre ahistorique. En décembre 2005 j’avais fait une conférence à Yaoundé et à travers le pays, conférence durant laquelle j’avais dit que rien ne se passait au Cameroun. A l’époque les gens en avaient ri. L’une des variations de ce rire, c’est de dire que le Cameroun c’est le Cameroun, ou alors, nouvelle version, que le Cameroun est si compliqué que, si on vous l’explique et vous comprenez vous n’avez rien compris, ou quelque chose de ce genre. Des chapitres de ces banalités sont nombreux – ‘les Camerounais s’ensauvagent’, ‘le satrape a fait ceci ou cela.’ Il m’a toujours semblé, a moi, que notre pays a été arrache de l’histoire au moment où la balance du pouvoir lui a imposé un axe Nord-Sud, qui a frappé d’une part le Grand Ouest – et ce Grand Ouest comporte le Noso – d’exclusion politique, en même temps qu’il jetait le Grand Nord (Adamaoua, Nord, Extrême Nord), dans l’attentisme, dans l’expectative paresseuse d’un retour d’ascenseur. Le triangle de la mort historique de notre pays était ainsi sanctifié.

Pour ceux d’entre nous qui vivons à l’étranger, nous pouvons mesurer la réapparition du Cameroun dans l’histoire. Durant de nombreuses années, les seules questions qui étaient posées par rapport au Cameroun étaient liées au football. Il n’y avait rien d’autre à dire de cet espace de la terre. Rien d’autre que le ballon rond. Depuis deux ans cependant, toutes les fois où je me présente comme Camerounais, les gens me demandent si je suis de la partie francophone ou de la partie anglophone. Parce que cette distinction est le cœur névralgique du Cameroun, cela veut dire que notre pays est ainsi retourné dans l’histoire. Mais qu’est-ce que cela veut dire, ‘être retourné dans l’histoire’? Cela veut dire ceci: déjà je dois révéler à mon interlocuteur que je suis Francophone, ce qui sous-entend une question morale – les Anglophones sont pris dans le cycle d’un génocide, et voilà pourquoi mon interlocuteur veut savoir. De quelle cote me situe-je, moralement parlant donc? Si l’interlocuteur est intéressé, je pourrai lui dire que le génocide commis sur les Anglophones, en fait est le second coming d’un génocide commis déjà entre 1960-1970 sur les Bamiléké. Et je suis Bamiléké. Je pourrai continuer en ajoutant les Bassa, et même dire que les Nordistes ont été massacrés en 1984, ce qui leur a fait comprendre, à leur élite, que la patience était le chemin qui leur était imposé par le statut quo ante. Il est facile de s’imaginer que de 1960 à 1970, la violence qui avait cours dans l’Ouest du Cameroun avait également fait notre pays retourner dans l’histoire: on parlait du Cameroun. Il suffit de lire Mongo Beti pour s’en rendre compte. Si vous suivez attentivement ce que je viens de dire, vous allez vous rendre compte d’une chose: je suis en train de raconter toute l’histoire du Cameroun a mon interlocuteur. Les histoires de foot, c’est fini, eh oui! Mais aussi, ce qui apparait de cette histoire, est que c’est l’Ouest du Cameroun, le Grand Ouest donc qui comporte le Noso, et peut, devrait évidemment inclure les Bassa, qui remet le Cameroun dans l’histoire. Il le fait parce que c’est lui seul qui peut arracher notre pays a son sommeil bientôt centenaire, et le Grand Ouest paye le prix de ses tentatives par les génocides répétés dont il est frappé. Car voyez donc, le balancement du pouvoir circonscrit aussi l’espace de la violence politique et le présente comme étant dans le Grand Ouest quasi exclusivement.

Chaque histoire a une théorie de l’histoire – il en est ainsi de l’histoire des USA, il en est ainsi de l’histoire de France, de l’histoire de l’Allemagne, de la Chine, etc. Il en est ainsi aussi de l’histoire du Cameroun. Mais comme nous savons, toute histoire est manifestée autant par des actes politiques, et donc par des institutions – institutions étatiques, partis politiques, associations sociales -, que par des personnes. L’histoire est donc manifestée en des gens. Même dans ma langue, ce principe philosophique est clairement formulé. Le Nou, Histoire, est impensable sans un Tanou, un père de l’Histoire, cela va de soi. Hegel appelait ce personnage, personnage historique, et ici je parle de personnage conceptuel. Il est clair qu’en 2016 les Anglophones ont remis le Cameroun dans l’histoire, et l’ont fait au prix d’un génocide, génocide qui est l’excroissance d’une téléologie violente de l’exclusion répétée d’un peuple, d’une partie du peuple du balancement du pouvoir instituant et institué. Quelle est donc la personne qui remettra le Cameroun dans l’histoire, lui? Maurice Kamto, quand en prison, avait cette prétention historique. Sa condamnation à la prison lui aurait ouvert les portes de la béatitude historique – je ne parle pas de martyr, mais de destin historique. On ne devient pas Mandela sans condamnation. L’exil, a moyenne mesure, lui ouvrirait cette fenêtre historique – il le refuse. Sa libération l’a donc livré aux atermoiements de la politique – et ses mots à sa sortie de prison étaient d’ailleurs clairs, tout comme ses actes depuis lors, dont l’intelligence consiste à multiplier des gestes de bravoure. Seulement, la bravoure ne fait pas l’histoire; seule la témérité ou mieux, l’audace en est le cheval. Le lieu du réveil de l’histoire au Cameroun est circonscrit, le Grand Ouest, le Grand Ouest, le Grand Ouest, le geste historique quant à lui, se trouve dans l’audace – militaire d’abord, civile ensuite. Car la particularité de notre pays est qu’il se trouve au cœur de l’Afrique centrale qui, avec le Cameroun est frappée de sommeil historique depuis septembre 1940, arrimé qu’elle a été à la France militarisée de De Gaulle. Et là, les Amba boys demeurent cette figure emblématique qui, née au bout de ce personnage qui depuis 1940 sursaute dans nos cours en des émeutes, des révoltes, des maquis, et même parfois des soulèvements, pointe vers cette révolution camerounaise qui est le réveil a l’histoire de notre peuple endormi. Comme le lever du soleil, ce sera son retour dans l’histoire. Nul ne peut empêcher au soleil de se lever.

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Source: https://www.facebook.com

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