Concierge de la République
Bafias, Yabassi, Yambassa, toutes ces minorités oubliées par le statut quo, qui entourent Kamto. Bibou Nissack, Mamadou Mota, Wilfried Ekanga, minorités visibles ou qui se cachent encore. Ou alors qui font écho a sa voix, de loin – Franklin Nyamsi. Maurice Kamto est pourtant, et c’est cela l’antinomie, le politicien camerounais qui est le plus accuse de tribalisme. La particulite de cette accusation cependant est qu’elle n’est pas seulement de la propagande en miroir, c’est-à-dire accuser quelqu’un de ce qu’on fait soi-même, et ceux qui l’accusent le plus brutalement sont Bulu; elle est surtout fondée sur ce que j’appellerai une tautologie tribale: qui est Bamiléké est tribaliste, parce qu’il est bamiléké. Cette tautologie s’applique à tout Bamiléké, et l’oblige donc, à devenir un spécialiste du tribalisme, comme en Occident les Noirs sont des spécialistes du racisme, les ‘Arabes’ les spécialistes de l’Islam, si ce n’est de l’immigration. Voyez donc les intellectuels noirs en occident, ce n’est que de quoi ils parlent, qu’ils soient juristes ou astrophysiciens, mathématiciens ou médecins. Le racisme est leur spécialité et leur profession. Cette tautologie tribale qui frappe tout Bamiléké – et Kamto est Bamiléké – fait que quand on parle de lui l’on ne réfléchisse plus sur le tribalisme, et encore moins sur son tribalisme. A l’impense tribal – et le tribalisme au Cameroun est un impense national – s’accroche un tabou tribal. Chacun y sombre, vit le tribalisme de manière hystérique, en accusations, guette les tribalistes ici et là, soupçonne les tribalistes ici et là, traque les tribalistes ici et là, et immanquablement les découvre dans le premier Bamiléké qui lève la tête: c’est un ethno fasciste, c’est un tribaliste. Tout Bamiléké devient ainsi tribaliste, sinon spécialiste du tribalisme, comme tout Noir devient raciste sinon spécialiste du racisme. Le cercle est refermé, sur l’impense, sur le tabou, et chacun se lave les mains, quand on n’est pas Bamiléké, content d’avoir débusqué un autre tribaliste, ou alors, d’avoir frappé un Bamiléké – un autre! – de lock nshou.
Et quand on n’est pas Bamiléké, ça sort des bois pour raconter comment sa famille est diverse – j’ai des cousins Bassa, ma femme est Bulu, mes enfants sont Eton – mais ne demande jamais si cela s’applique aussi au Bamiléké, et surtout, en prenant l’exemple de sa vie privée pour parler du tribalisme dans l’espace public, on s’empêche ainsi de définir ce que c’est que le tribalisme d’un politicien, personnalité publique par essence. Pourtant, Maurice Kamto a le tribalisme le plus intéressant que je n’aie jamais vu se déployer dans notre pays. Je précise d’emblée que le tribalisme c’est un système, comme le marxisme, comme le racisme, comme le capitalisme, un système donc, qui a comme unité élémentaire la tribu. Le capitalisme a comme unité élémentaire le capital, l’argent donc. La tribu ici, dans le tribalisme donc, peut être une tribu classique, disons, basée sur le lineage communautaire, ou alors une nouvelle ethnicité – les Anglophones en sont une. Le tribalisme de Maurice Kamto est intéressant, parce qu’il a une approche pas trop conventionnelle pour notre pays. Et je précise rapidement que notre pays est divisé en quatre grands groupes ethniques, ou alors politiques, si vous voulez, que je cite de manière alphabétique, 1) les Anglophones, 2) les Bamiléké, 3) les Beti, et 4) les Nordistes. Voilà les quatre groupes dominants de la scène politique de notre pays, ceux donc sur les épaules de qui la balance politique se fixe, et à travers qui les tractations politiques se font. Ceux qui ont mon âge se rappellent comment le MDR avait fragilise le glacis nordiste qui, en 1993, s’était reconstitue au Grand Nord, derrière l’UNDP qui se réclamait alors de l’héritage de Ahidjo. Le MDR s’était, on se rappelle, fonde sur une tribu bien précise, celle des Montagnards, avec Dakole Daissala, pour nous démontrer pas à pas que le Grand Nord vivait sous l’hégémonie des Peuhls. Il est inutile de dire que c’est la même politique que pratiquent les Bamum de l’UDC a l’Ouest, afin d’empêcher que se constitue un glacis politique du MRC, des Bamiléké qui en sont la base donc, dans cette province. Tribalisme d’émiettement.
Avec Maurice Kamto, il y’a cependant quelque chose d’assez intéressant qui se manifeste et qui, pas a pas fait tache d’huile, et même boule de neige. C’est le réveil des minorités oubliées- les Bafia, les Moundang, les Bakoko, les Yambassa, les Yabassi, et la liste est bien longue, qui constituent pas à pas une alliance, une coalition extraordinairement efficace, et que l’on voit se déployer devant nous tous. Une coalition suffisamment intéressante pour demander une analyse paisible, car le modèle ici est évidemment Nord-Américaine – je pense en premier a la coalition qui avait mené Jesse Jackson a la candidature à l’élection présidentielle américaine, coalition qui avait au final trouve son apothéose avec Obama – elle s’appelait alors la ‘Rainbow coalition.’ Une coalition de minorités, dont aura découlé une politique des minorités, une politique donc, qui reconnait que les minorités demandent une protection effective dans la Constitution qui, sous le dictat du tribalisme d’État avait permis que ce droit des minorités soit subverti par la défense des ‘autochtones’ dans des cités cosmopolites, et bientôt dans des forets comme celle du Sud – Ebolawa, Sangmélima -, avec machettes et gourdins. La politique des minorités qui se dessine ainsi en filigrane de la coalition que je vois, que nous voyons tous se former devant nous a un attrait évident pour toutes les minorités de notre pays – et les albinos sont bel et bien une minorité -, car de toute évidence, le Cameroun est une république de minorités, et les prendre au sérieux serait déjà garantir la démocratie dans sa fondation même. Les partis de Gauche en Occident n’ont commencé à avoir un avenir que lorsqu’ils ont commencé à prendre l’identité autant sérieux que leurs programmes politiques bases sur l’économie et la lutte des classes, et donc, à prendre les communautarismes au sérieux – même la France ne va pas y échapper, son modèle démocratique ne pouvant pas trop longtemps utiliser ‘le voile’ ou ‘les barbus’, ou alors ‘l’Islam’ comme épouvantails, quand plus de 30% de sa population est musulmane. Au lieu de copier un modèle condamne, notre pays gagnerait à respecter sa diversité, et a intégrer celle-ci dans le jeu politique. C’est ce que Kamto fait, dans ce travail de fourmi, patient et porteur, avec les tribus.
Nous avons pris le pouvoir! Défendons-le!
Concierge de la République
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