Par Jean-Pierre Du Pont
Njoya, Sultan roi des Bamouns
Njoya actualité, depuis hier, certains camerounais sont médusés par le culot des propositions, formulées par sa majesté le Sultan Ibrahim Mbouobouo Njoya, Roi des Bamouns.
D’autres, plus nombreux se montrent sceptiques, et assimilent cette sortie à une stratégie, visant tout simplement à couvrir son vieil ami Paul Biya, et à lui faire gagner du temps, en endormant les camerounais. Or, ceux qui comme moi connaissent et pratiquent le personnage depuis un certain, vous diront qu’il n’est pas du tout à son premier essai.
Pour comprendre comment fonctionne le Sultan Njoya, il faut remonter assez loin dans le temps. D’abord, Paul Biya sait plus que personne d’autre, ce qu’il doit au roi des Bamouns. En 1983, alors qu’il vient de découvrir qu’il s’est fait avoir comme un bleu, par un médecin complice du président français de l’époque, François Mitterrand, qui lui a laissé entendre que gravement malade, il ne disposait que de quelques semaines pour vivre Ahidjo tente de reconquérir le pouvoir.
Pour cela, il imagine un stratagème simple : faire admettre et inscrire dans la Constitution, la suprématie du parti unique sur l’État. Une réunion est prévue au lac le 19 juin 1993. Mais poussé par Pierre Désiré Engo, et Joseph Charles Ndoumba, Paul Biya ne s’y rendra pas.
Touché au plus profond de son orgueil, Ahidjo frustré s’envole pour son fief de Garoua, où il se barricade et ne prend plus personne au téléphone. Les ressortissants du Nord, qui englobait à l’époque l’Adamaoua et l’Extrême Nord, majoritaires au sein de l’armée, de la gendarmerie et de l’appareil sécuritaire, décident de débarquer Paul Biya de force.
C’est alors que va intervenir, le génie du futur Sultan des Bamouns Ibrahim Njoya. Avec René Sadji, qui fut son subordonné à l’ambassade du Cameroun au Caire en Égypte, ils vont réussir à joindre Omar Bongo en catimini , et à le convaincre d’intercéder auprès de François Mitterrand, qui est justement attendu au Cameroun , où il compte emmener dans ses bagages Yannick Noah, qui vient de remporter les internationaux de France de Roland Garros .
Le président français, va personnellement ordonner au contre-espionnage extérieur français, de faire capoter le complot visant à renverser Biya, par la force. Ensuite, Ibrahim Mbouobouo Njoya, pour gagner du temps, et calmer le courroux la susceptibilité de l’ancien président, va de son propre chef se rendre à Garoua. Chaleureusement reçu par Ahidjo, qui semble apprécier cet égard, peu avant le repas de la fin du jeûne soit servi, demande à parler au président avant la prière. Une pratique ou un usage, chez les musulmans, exige d’aborder et de vider tout contentieux fâcheux, avant la prière et le repas de la fin du jeûne. Les deux hommes s’enferment dans le bureau, du domicile de l’ancien président.
Le futur roi des Bamouns prend la parole : “ Monsieur le Président, et cher Papa, car vous êtes notre Papa à tous, compte tenu de l’immensité de l’œuvre que vous avez accomplie, je vous apporte les salutations sincères et fraternelles, de votre fils Paul Biya, qui est très gêné depuis le malentendu survenu la dernière fois. Il a tenu à ce que je vous dise, que s’il est là où il est, aujourd’hui et s’il exerce les lourdes charges de notre pays, c’est uniquement du seul fait de votre volonté. Il est conscient, de n’être qu’au stade de l’apprentissage, mais avec le temps, et avec votre aide celle de Dieu, il parviendra. Il m’a aussi chargé de vous dire, qu’il est au courant que vous vous rendez prochainement en France, pour un souci de santé. Il prie le tout – puissant, afin que ce voyage se passe bien, et que le bon Dieu vous nous ramène dans des meilleures conditions. Si à votre retour, vous vous sentez l’énergie et la force pour reprendre la conduite des affaires, et nous guider comme vous avez toujours su le faire, il est prêt à s’effacer et à continuer de vous servir à la place que vous estimerez être la sienne.
D’ailleurs, la semaine prochaine, il viendra en compagnie du président français vous saluer et vous dire tout cela de vive voix. “
Là – dessus, Ahidjo émet quelques protestations pour la forme, et fait savoir que serait mal indiqué d’évoquer tout cela en présence de François Mitterrand. Il prévoit lui- même s’envoler pour la France le 19 juillet, et de là, donnerait quelques instructions s’il advenait que son séjour se prolonge au- delà de ses prévisions.
Le 19 juillet 1983, en effet, l’ancien président, après avoir reçu des honneurs militaires à l’aéroport international de Douala, va s’envoler pour la France. À ce stade, il l’ignore, mais il ne reverra plus jamais la terre de ses ancêtres.
Comme vous voyez, le Sultan des Bamouns, n’est donc pas homme à avoir sa langue dans la poche, quand il souhaite vraiment dire les choses, qu’il ne dit jamais à la hate et ni dans la précipitation. À son âge et au vu son parcours, et ses états de service, on peut dans grand risque de se tromper, dire qu’il a largement passé le stade de faire de la courtisanerie.
Au demeurant, il avait déjà fait ces mêmes propositions en 2008, qui sont sans doutes passées inaperçues à la vigilance des procureurs et censeurs, auto- proclamés d’aujourd’hui:
1 – Refonte du code électoral
2- Passage du septennat au quinquennat, renouvelable une seule fois.
Par Jean-Pierre Du Pont