La France est-elle en train de perdre l’Afrique ? – Ces idées qui gouvernent le monde

Générique … -Bienvenue dans « Ces idées qui gouvernent le monde ». La France est-elle en train de perdre l’Afrique ?

Une question d’actualité. Des pays africains de l’ouest, mais aussi d’ailleurs, en Afrique, se font entendre des « Non à la France ». S’agit-il de solder notre passé colonial en Afrique, en visant une Françafrique désormais en mort cérébrale ? Même l’opération Barkhane, engagée en 2014, pour empêcher le dépeçage du Mali, par les djihadistes d’AQMI, a pris fin, en se cherchant d’autres missions que strictement sécuritaires. Il incombe désormais à des milices militaires russes, sous le nom de Wagner, d’assurer et d’oeuvrer avec les forces armées africaines, pour assurer une rente sécuritaire à des Etats instables, et piller en retour les ressources disponibles.

S’agit-il d’un ressentiment ? D’une rancoeur ? D’une défiance politique, à l’égard d’une France prédatrice des précieuses ressources et autres matières premières d’une Afrique qui demeure un…

un continent, pardon, richement doté, nonobstant la paupérisation des populations, et un développement insuffisant. A la vérité, le pré carré africain de la France en matière économique est en voie de rétrécissement constant, au regard de la mondialisation, qui permet à la Chine, à la Turquie, au Brésil, à la Russie de s’emparer des marchés africains. Bref, la France ne semble plus l’alliée privilégiée de l’Afrique de l’Ouest. D’autres puissances prédatrices se bousculent, dans la salle d’attente africaine. Pour quelles finalités politiques et stratégiques de ce continent africain, qui verra, en 2055, sa population doubler, et pour quelle politique africaine de la France ?

Nous allons tenter de répondre à toutes ces questions avec mes invités, que je vous présente. Edouard Guillaud, vous êtes amiral, ancien chef d’état-major des armées. Georges Serre, vous êtes diplomate, et vous avez été ambassadeur en Côte d’Ivoire.

Calixthe Beyala, vous êtes romancière. Antoine.

.. Glaser, pardon, vous êtes journaliste et écrivain. Et Nicolas Baverez, vous êtes avocat, politologue et essayiste. -Alors, vous venez de voir la citation que j’ai prise, qui est de vous, Calixthe Beyala.

« Les rêves de liberté « des Africains sont restés « coincés entre les mains des françafricains. » Avant d’aborder la politique, l’économie et la sécurité, comment vous percevez la dimension psychologique de ce ressentiment antifrançais, qui se fait entendre à Bamako, à Dakar, à Yaoundé, Bangui, Libreville, N’Djamena ? -D’abord, excusez-moi de penser qu’il n’y a pas de ressentiment antifrançais. Les Français, en tant que tels, ne sont pas persécutés, en Afrique.

On peut être français et vivre à Douala, à Yaoundé, tout à fait en sécurité.

C’est un ressentiment antisystème, plutôt, anti-françafricain. Il y a un groupe de personnes, des Noirs et des Blancs, qui se sont organisées à piller ce continent. Donc, par facilité intellectuelle, ont dit « antifrançais ». On peut pas être antifrançais, puisque, pour construire une Afrique nouvelle..

. -Oui, mais quand on dit non à la France, ça veut pas dire qu’on l’embrasse ! -Ca veut pas dire non plus qu’on la déteste.

C’est quand même assez ambigu, puisque la plupart des étudiants africains veulent venir faire leurs études en France. Donc, c’est très paradoxal, très ambigu.

On peut pas résumer par : « La France doit foutre le camp », « La France doit partir », et puis « Marre des Africains ». Ce n’est pas ainsi qu’on gère les problèmes. Il faut toujours trouver des conciliations, des dialogues. Evidemment, la population dans la rue n’a pas forcément des outils pour exprimer..

. -Oui, mais, « Non à la France », alors que la Françafrique n’est plus là ! -Elle est bien là, à travers des Africains, à travers des Français.

Ils tiennent l’économie, ils tiennent la Françafrique. Ils contrôlent les choses, pas la France institutionnelle qui est là.

-Laissez-moi avoir d’autres avis. George Serre, comment vous appréhendez ce « Non à la France », qu’on entend dans ces capitales africaines ? -Il faut quand même savoir raison garder. Je suis assez d’accord : c’est pas un non aux Français, et « Non à la France », c’est une réaction contre une politique, c’est un moment bien précis dans le temps.

Et ça se passe dans certaines capitales, pas dans toute l’Afrique.

Donc, il faut être un peu plus mesuré. Quand on a, par exemple, au Burkina Faso, une attaque contre l’ambassade et une destruction des instituts français de Bobo-Dioulasso et de la capitale. Quelques jours après, il y a des journalistes burkinabés, mais aussi ivoiriens et d’autres pays, qui font une émission, et les remarques qu’on entend : « Dommage d’avoir cassé « cet outil de travail qui nous est utile, « à nous, Burkinabés et Ivoiriens. » Donc, vous voyez, ce n’est pas non plus..

. C’est une présentation un petit peu virulente de quelque chose qui… Alors, la Françafrique, c’est un concept qui a été inventé il y a plus de 50 ans, par Félix Houphouët-Boigny.

C’est une image dans un moment précis. Aujourd’hui, ça a été utilisé par un certain nombre d’ONG, par des partis politiques. On voit ce que ça veut dire. Mais c’est un peu comme la girafe : on voit ce que c’est, mais c’est difficile à décrire, aujourd’hui. -Mais alors, donc, ça existe, ou non, Nicolas Baverez, la Françafrique ?

-Je pense que c’est, aujourd’hui largement un mythe, mais c’est intéressant de voir pourquoi le mythe, aujourd’hui, est utilisé.

Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a eu trois grands moments. Le moment des indépendances, en effet un échec assez majeur de la conversion de l’Afrique, qui était mal partie pour la démocratie et le développement. C’est vrai, vous l’avez rappelé, les années 60, c’est cette grande époque de la Françafrique.

Ensuite, à partir des années 90, il y a deux mouvements intéressants. Il y a une démocratisation de l’Afrique et puis, par ailleurs, l’Afrique entre dans la mondialisation.

Elle s’ouvre et, vous l’avez rappelé, elle a des partenaires qui se diversifient et on a un 3e moment, aujourd’hui, où, en même temps qu’elle s’ouvrait, avec la fin de la guerre froide, l’Afrique n’était plus un enjeu géopolitique et stratégique comme on l’avait connu auparavant. Elle l’est redevenue parce qu’on a une grande confrontation entre les démocraties et que, pour que des pays comme la Chine, la Russie, la Turquie, le fait d’être en Afrique..

. -On va rentrer dans le détail de ces choses. -Mais ça explique pourquoi la Françafrique, parce qu’il y a une compétition des puissances en Afrique et que d’autres puissances utilisent le mythe de la Françafrique pour le retourner contre la France. C’est ce qui s’est passé au Mali et au Burkina Faso. -Antoine Glaser, la Françafrique.

.. A l’époque du général de Gaulle, on identifiait « l’Africain » du général : c’était Jacques Foccart. Mais aujourd’hui, qui est capable de citer le nom de « l’Africain » d’Emmanuel Macron ? Ca existe ou ça n’existe plus ?

Sincèrement ? -Sincèrement, le problème, c’est effectivement un problème historique.

Il ne faut quand même pas oublier, depuis les indépendances de 1960 jusqu’à la chute du mur de Berlin, il y avait un système intégré, politique, militaire, financier extrêmement verrouillé, les dirigeants africains étaient cooptés par la France mais, comme Houphouët-Boigny ou Senghor, ils avaient souvent été ministres dans des gouvernements français. Des généraux comme Eyadéma au Togo ou Bokassa en Centrafrique avaient crapahuté avec l’armée française en Indochine, en Algérie..

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Et l’erreur fondamentale… Moi aussi, je trouve anachronique de dire la Françafrique quand vous avez connu ce que c’était avec ce système intégré, mais ce qui est incroyable, c’est de refuser de parler de cette époque.

Ce que veulent les jeunes, maintenant, c’est… Maintenant, on veut tirer l’ardoise magique. Bien sûr qu’on est dans une nouvelle période de géopolitique.

La France n’a pas vu l’Afrique se mondialiser. Tout le monde regardait l’Europe, la réunification de l’Allemagne, mais qui regardait ce qui se passait en Afrique ? Même dans les milieux patronaux, les gens étaient installés en pensant que c’était ad vitam aeternam et je pense qu’on paye actuellement ce refus…

Enfin, Emmanuel Macron… Il y a eu le Rwanda, maintenant, il veut ouvrir aussi les dossiers sur le Cameroun, l’Algérie..

. Mais à un moment donné, surtout en 2017, quand il est arrivé au pouvoir, il a dit : « Les gars, on replie les rétroviseurs, « regardons devant. Moi, j’ai pas connu ça, « allons-y franchement. » Je pense que c’était une erreur. Je pense qu’il faut parler de cette période qui était, je termine là-dessus.

.. Pourquoi c’était une période particulière ? Parce que les propres alliés de la France laissaient la France gérer ces pays à sa guise ! La France contrôlait les marchés à 50-60 %.

Elle avait l’uranium, le pétrole à bas prix.

C’était une période qui, à la chute du mur de Berlin, on a fait comme si… La France n’a pas vu l’Afrique se mondialiser.

C’est ça, le problème. -Ecoutez, amiral, vous avez été chef d’état-major et vous étiez, si je puis dire, en opération au moment de l’intervention Serval et Barkhane. Vous n’êtes pas resté longtemps après comme chef d’état-major mais vous avez supervisé.

Est-ce que vous avez ressenti, à ce moment-là, une hostilité des Africains à la présence militaire française ? -En réalité, à aucun moment.

Même aujourd’hui, alors qu’on a vu effectivement un certain nombre de manifestations dont on sait très bien… Il suffit de regarder les drapeaux étrangers qui y sont montrés, dont on sait très bien qu’elles sont téléguidées. A aucun moment, nous n’avons eu la moindre difficulté.

La seule véritable difficulté que nous avons rencontrée, c’était de coopérer avec des armées qui étaient des armées nationales, qui étaient souvent, en réalité, laissées pour compte par les gouvernements locaux, dont on peut dire… Nous étions sans doute un peu coupables de l’avoir accepté, mais eux trouvaient très confortable de laisser les Français faire le travail à leur place.

Donc on a été très bien reçus.

La libération de Tombouctou, la libération de Gao, Ménaka, toute cette partie du nord du Mali… Mais également, quelques années auparavant, quand nous sommes intervenus dans d’autres pays, je pense à la Côte d’Ivoire – et Georges Serre peut en parler à sa maman – et aussi en République centrafricaine, à peu près la même période. Et, à chaque fois, nous avons été très bien accueillis.

La difficulté que nous avons rencontrée, nous, Français, pas « militaires français », c’est qu’assez souvent, nous avons considéré qu’une opération militaire se suffisait par elle-même et était un tout. En réalité, non. Il y a un jour avant l’opération militaire, il y a un jour après. Ce n’est qu’un petit moment dans histoire d’un pays. Il faut tenir compte de ce qu’il y a avant et préparer l’après.

-Vous voulez dire qu’avant l’intervention Serval et Barkhane, il y a eu une préparation politique insuffisante ? -Non. Pas avant l’intervention, sur l’avant de l’intervention…

L’intervention de Serval, on la voyait venir depuis quelques années parce que les groupes djihadistes prenaient de plus en plus d’otages. On se disait que ça allait exposer. Et la surprise a été que plusieurs groupes s’allient alors que, d’habitude, ils se…

ils se combattaient les uns les autres. Mais alliés, ils étaient trop puissants pour le gouvernement de Bamako. C’est pour ça que nous sommes intervenus. Par contre, nous n’avons sans doute pas, et là, je parle avec du recul et je suis quand même très prudent, préparé la sortie non militaire de serval.

Qu’il y ait eu une sortie qui s’appelait Barkhane, c’était naturel, c’était vraisemblablement ce qu’il fallait faire à ce moment-là, de même qu’il est bien qu’on en sorte aujourd’hui.

Mais il y a les à-côtés. C’était la reconstruction : il n’y avait plus de dispensaires, le système d’adduction d’eau de Tombouctou avait été détruit, qui venait du fleuve Niger, il y a quand même 40 km, c’est nous qui avons mis des pompes. Mais ça ne suffisait pas. Mais nous n’avons pas réouvert ou aidé suffisamment à réouvrir les écoles.

Ca, c’est pas directement les militaires.

Nous faisons partie d’un tout qui s’appelle la France. Nous n’avons pas, du coup, donné les moyens aux agriculteurs de pouvoir cultiver leurs champs ou faire paître leurs troupeaux pour les éleveurs, aux petits commerces de se réépanouir, aux écoles de réouvrir. C’est souvent là que nous avons, par peur d’être accusés de néocolonialisme…

-Justement, à ce sujet, Georges Serre, vous êtes le diplomate, dans cette… assemblée-là. Il y a beaucoup de puissances européennes qui ont colonisé des pays, en Afrique et ailleurs, que ce soit la Belgique, que ce soit la Grande-Bretagne, que ce soit d’autres pays, même l’Allemagne etc.

Finalement, le colonialisme français, c’est une repentance inextinguible. Est-ce qu’il y a, à votre avis, quelque chose dans ce domaine… Il hésite.

…de morbide ou de pervers ? Jusqu’à quand faut-il expier d’avoir été colonialistes ?

-Alors moi, j’ai fait ambassadeur en République Démocratique du Congo. Et qu’est-ce que c’est confortable d’être ambassadeur de France en RDC puisque c’est la colonisation belge qui est critiquée tous les jours.

Dont vous voyez, tout est relatif. Il faut remettre les choses en perspective. Quand on est en Tanzanie, on parle encore aujourd’hui de la colonisation allemande qui fut terrible.

Au Cameroun, la colonisation allemande a été très dure aussi mais il reste des choses et, dans certaines régions du Cameroun, on parle encore allemand. Là aussi, on a des moments historiques et on ne peut pas mesurer à l’aune d’aujourd’hui ce qui s’est passé autrefois. -Mais on n’a pas fait pire que le Commonwealth ! Qui est encore aujourd’hui, même si c’est de manière virtuelle..

. -Le Commonwealth, comme son nom l’indique, c’est une association économique…

-Mais l’économie et la politique ont parties liées.

-La France a essayé d’aller un peu plus loin, d’avoir quelque chose qui soit plus que de l’économique. C’est là qu’elle a peut-être péché par orgueil et été plus loin que ce qui était possible en fonction de ce qui existait. En même temps, il y a vraiment de très beaux restes de ce qui s’est fait en Afrique francophone. Et d’ailleurs, quand on est en Afrique du Sud, beaucoup de Sud-Africains..

. C’est d’ailleurs le pays du monde où les alliances françaises se développent le plus, pour faire du commerce avec le reste de l’Afrique dont une partie est francophone.

Donc ils vont apprendre le français. Quand on est canadien, on voit que la langue française, dans le cadre de la francophonie, est quelque chose qui est assez porteur. On est à 850 millions de francophones, en se projetant dans 25 ou 30 ans, dont une grande partie d’Africains, du continent africain.

Tout ça, il ne faut pas le voir de manière aussi brutale. C’est pas… L’un ou l’autre, c’est beaucoup plus nuancé.

-Nicolas Baverez, un mot sur la repentance inextinguible, jusqu’à la fin des temps ? -Non… Enfin, ça n’a pas de sens.

On voit aujourd’hui qu’il y a un ressentiment et ce ressentiment, c’est vrai qu’il est paradoxal parce que les puissances coloniales, aujourd’hui, en Afrique, c’est la Chine – il n’y a qu’à voir l’Ethiopie – c’est la Russie, il n’y a qu’à voir ce qui se passe aujourd’hui en République centrafricaine ou au Mali, et c’est plus la France.

Donc dans l’héritage de la France, évidemment, il y a un passé qui est un passé violent, conflictuel. Il y a des instruments, vous l’avez rappelé, je voudrais revenir sur le fait qu’il y a des instruments qui sont très utiles parce que l’avenir de l’Afrique, c’est l’intégration. On a des instruments d’intégration, donc la langue française, qui est la langue officielle, et qui permet de dialoguer sur une partie du continent, il y a le franc CFA qui permet..

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-On va rentrer dans tous ces éléments. -Il y a le droit des affaires, donc il y a des instruments d’intégration qui existent et qui sont positifs. Mais cette logique du ressentiment, je pense que de toute manière, on ne construit jamais l’avenir sur le ressentiment. Mais comme il a été dit, pour dépasser le ressentiment, il faut pouvoir s’expliquer, communiquer.

C’est ce qui a été fait entre la France et l’Allemagne et c’est ce qui peut tout à fait être fait par ailleurs.

Et le Commonwealth n’est pas non plus… Tout ne va pas si bien que ça dans le Commonwealth.

-Alors Calixthe Beyala, il faut qu’on essaie de purger la question. -Oui, je pense, aussi ! -Parce que, le populisme, l’autoritarisme, le nationalisme sont partout dans le monde et on le constate de plus en plus. Et si vous me permettez, l’Afrique n’y échappe pas. Comme tous les continents, il y a partout cette montée de populisme et de nationalisme.

Est-ce que vous n’avez pas le sentiment qu’en Afrique, la vindicte antifrançaise est constitutive de ce populisme et de ce nationalisme ? Est-ce que vous n’avez pas ce sentiment-là ? Je sais bien qu’un nationalisme se construit par rapport à un autre nationalisme. Comment vous expliquez que c’est le sentiment antifrançais qui nourrit, dans ce cas-là, le nationalisme ? -Avant de vous répondre, je vais vous rassurer sur ce plateau.

Le continent africain, notamment l’Afrique francophone, ne connaîtra plus d’impérialisme. Je pense que ce qui est en train d’être fait est fait pour que plus jamais aucun peuple, que ce soit la Russie, que ce soient les Chinois, ne puisse dominer.

Un travail est fait, et j’aimerais que vous m’écoutiez un tout petit peu, ce que vous appelez ressentiment, c’est que l’histoire n’a pas été purgée et je m’explique, monsieur. C’est que, par exemple, dans le cas du Cameroun, on a eu un colonialisme, on a eu la guerre. Moi, j’ai vécu cette guerre-là enfant, je veux dire que j’ai vu des morts, j’ai vécu dans des cadavres, entre 0 et 15 ans, on suspendait des hommes.

Je ne sais pas ce qui s’est passé et, jusque aujourd’hui, personne ne m’a dit ce qui s’est passé, et j’aimerais beaucoup qu’on me le dise.

Ce qui se passe, c’est que les Africains ne veulent plus de la domination d’une monnaie appelée le franc CFA. -On va entrer dans le détail, mais restons sur les aspects psychologiques. -Puisqu’on a abordé ces questions, je préfère en parler. -On va en parler dans le détail.

-Sur le plan psychologique, c’est pas des nationalismes mais du panafricanisme qui se construit, c’est-à-dire que nous sommes en train de vouloir mettre à plat même les nationalismes. Ca ne nous sert pas, les nationalismes, puisque ça draine des haines, de la xénophobie, en Afrique du Sud, on peut tuer d’autres Africains, en Guinée équatoriale, on peut en chasser d’autres, on n’en veut pas. Ne suivez pas la rue, la rue ne construit pas la nation, ce sont les élites qui le font. Ce que nous voulons faire, ce n’est pas du nationalisme, ce n’est même pas antifrançais, car si on faisait une organisation anti, avec des ressentiments..

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On veut le dialogue avec la France pour trouver des solutions, car ce que nous voulons fabriquer, tous, aussi presque 15 millions d’afro-descendants qui sont français et donc, cette Afrique ne pourra se construire sans cette France-là. Mais se focaliser sur des gens qui hurlent dans la rue, vous m’avez pas vue hurler avec eux, vous n’avez pas vu ceux qui bâtissent l’Afrique hurler avec eux, ce ne sont que de hurleurs, laissons-les faire leur job et ce n’est pas pour autant qu’on va remettre en question un tout, des choses belles se font, des choses n’ont pas été très bien, qu’on peut rectifier, rectifions-les. Pour l’économie, même la francophonie, complètement pervertie, qui était une organisation culturelle, d’abord, hein, linguistique, qui était là pour que les peuples échangent, aient une plate-forme culturelle. On en a fait un instrument politique, du coup, ça a éloigné les peuples de la francophonie, ça concerne que les politiques et on en a marre.

J’ai conçu un projet, monsieur, par rapport à cette francophonie, qui a été adopté et qui n’a pas été mis sur pied depuis 2002. Ca a été adopté par les 56 Etats et aucun Etat ne le pratique, on est parti chercher des femmes qui ne parlent même pas le français pour nous incarner.

Où est-on, monsieur ? Il est temps qu’on règle les choses et moi, je tiens à ce que ça aille bien, vous savez pourquoi ? Parce que mes descendants sont de ce pays et si ça va mal avec l’Afrique, je ne sais pas où ils vont aller.

Donc nous n’allons pas nous focaliser sur les hurleurs, ça n’a pas de sens. -On vous a entendue, madame Beyala. Euh, Nicolas Baverez, vous avez entendu Calixthe Beyala : l’Afrique ne veut plus d’aucun impérialisme et l’Afrique se veut souveraine. Elle veut être libre de créer sa monnaie, de commercer avec qui elle veut, d’élargir ses partenariats à sa guise. Est-ce qu’elle en a les moyens ?

-Ah, euh, tout à fait, oui, puisqu’aujourd’hui, si vous voulez, quand on regarde, et c’est vrai que, sans doute, ça a été, comme il a été dit, très mal compris par la France, l’Afrique fait partie du Sud global.

En réalité, l’Afrique s’est largement déjà émancipée. Quand on regarde le développement qui a eu lieu depuis les années 2000, alors qui a buté sur la pandémie et qui bute aujourd’hui sur la crise alimentaire, mais ce continent a enfin décollé et il a une croissance de 5,5 % par an. -Oui, mais 5 %, quand on va de très bas, c’est pas comme 2 % quand on est très haut. -Oui, mais la dynamique, ce qui est important, c’est quand la croissance économique devient supérieure à la croissance démographique.

Ce jour-là, incontestablement… Alors, ce qu’on peut critiquer, ça a été dit, c’est que c’est valable pour le continent, c’est 56 pays, très différents, donc évidemment, dans ces pays, vous en avez à 10 % de croissance, effectivement, le Rwanda, le Rwanda ou autres, et y en a sur lesquels c’est évidemment beaucoup plus compliqué, notamment dans la zone subsaharienne. Mais ce qu’il faut comprendre, et là où ce développement importe, c’est qu’il était assez largement autocentré, c’est un développement assis sur celui des villes, un début de constitution des classes moyennes, une diversification des économies.

La France est-elle en train de perdre l'Afrique ? - Ces idées qui gouvernent le monde

En réalité, l’Afrique a effectivement une démographie extrêmement dynamique, elle a des ressources majeures, et très importantes, elle a des problèmes de sécurité, des problèmes de transition climatique, mais en tout cas, aujourd’hui, les Africains, et les Africains se dotent des moyens de leur développement, j’en parlais tout à l’heure, par exemple la grande zone de libre-échange panafricaine, c’est un instrument extrêmement puissant.

Donc le franc CFA, il faut être clair, le franc CFA appartient aux Africains et s’ils veulent… -Justement.

-…en sortir, c’est plus du tout quelque chose qui est piloté. Regardez, par exemple, le problème, aujourd’hui, y a deux problèmes en Afrique, la crise alimentaire et la dette, mais la dette ne se règle plus à Paris et à Bercy, la dette africaine, elle est essentiellement entre les mains de la Chine.

-Mais alors justement, Georges Serre, répondez-moi clairement sur un point précis : est-ce qu’on peut supprimer le franc CFA et est-ce que ça aiderait l’Afrique à avoir sa souveraineté économique ? -Dans les statuts du Fonds monétaire, ce qui est recherché par le Fonds monétaire, c’est une cohérence globalisée des financements, des budgets, donc ce qui se retrouve effectivement dans les zones monétaires comme la zone euro, aujourd’hui, la zone euro, dont d’ailleurs fait partie la zone CFA, on appelle ça la zone CFA, mais ça fait partie, c’est un élément de la zone euro.

Donc la tendance, c’est de privilégier des rassemblements dans lesquels on peut effectivement mutualiser un certain nombre de financements, de budgétisations. Et la preuve est que, si le Mali et la Centrafrique aujourd’hui peuvent encore payer les fonctionnaires, c’est qu’ils font partie de la zone franc et que les mécanismes..

. -Donc ça veut dire qu’il faut le garder pour le moment ? -Bah, en Afrique de l’Ouest, le débat qui s’est posé aujourd’hui, c’est au sein de la CEDEAO, de la monnaie qui s’appelle l’eco. Sa première phase, c’est la consolidation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, soit le CFA d’Afrique de l’Ouest. En ce qui concerne le CFA d’Afrique centrale, bon, bah il est là, pour l’instant, il fonctionne, et puis faut pas oublier que, dans cette zone euro où y a la zone franc d’Afrique de l’Ouest et centrale, y a aussi les Comores et les Etats du Pacifique.

Donc c’est un peu plus large, mais il faut retenir que l’objectif du Fonds monétaire est d’avoir de tels éléments, et ça va dans le sens de la Zone économique globale de l’Afrique parce que économie autocentrée, mal ouverte encore sur la mondialisation, 5 %, 6 % à peine du commerce international.

Aujourd’hui, l’Afrique, il faut qu’elle commerce entre elle. Quand on se projette sur le futur, y a une zone, moi, j’aime bien le rappeler aux gens, tout le bassin au sud du fleuve Congo, ce sont des terres qui sont à 300 ou 400 mètres d’altitude, il y a de l’eau, c’est le futur grenier de céréales du monde. -La nouvelle Ukraine. -Tout à fait, très belle formule, quelque part, c’est là qui va se passer des choses.

Ca voudra dire que les gens doivent s’entendre, les Angolais, parce qu’il faut des lignes de chemin de fer sur l’Atlantique, les Congolais, etc. Donc quelque part, ça fonctionnera ainsi, il faut aller vers une entente. -Alors, on passe du CFA au stratégique, amiral.

D’un point de vue stratégique, même si la division du monde n’est plus à l’aune de la Guerre froide, on a eu la crise sanitaire, on a la guerre en Ukraine, il y a une espèce de clivage qui s’observe entre l’Occident et les puissances autoritaires, pour ne pas dire antidémocratiques. Est-ce que vous pensez que, aujourd’hui, l’Afrique risque de basculer de ce côté-là ?

-Je ne crois pas. Comme le disait madame Beyala tout à l’heure, les Africains veulent être par eux-mêmes et vivre par eux-mêmes. Et si nous, d’un point de vue stratégie militaire, nous sommes restés trop à l’intérieur de la sphère militaire en oubliant l’extérieur, d’autres font une tentative. Wagner, ce n’est pas seulement une milice de mercenaires, c’est d’abord un système économique. Comment est financé Wagner en République centrafricaine et au Mali ?

Par des contrats sur les mines, les mines d’or, de tout ce que vous voulez, les mines de sel y compris, au Mali. Wagner se paie directement, si j’ose dire, pardonnez-moi l’expression, sur la bête.

Je pense que ça, ça ne peut pas fonctionner, ça ne peut pas durer, en Afrique. La Chine, elle, est arrivée uniquement comme bailleur de fonds, comme bailleur de fonds et quand on va, Georges Serre connaît bien Kinshasa, y a deux quartiers chinois à Kinshasa totalement isolés et qui sont à la limite, si les Chinois faisaient des bêtises, je parle du gouvernement chinois, pas de ceux qui sont sur place, qui seraient finalement des otages des populations locales. -Oui, mais qui s’assemble se ressemble, dit le proverbe.

-Oui, bien sûr, mais… -Est-ce qu’une présence chinoise très forte, une présence russe forte, une présence turque forte, etc., n’amènera pas un basculement aussi de régime ?

Vous pensez pas ça ? -Je pense que, de même que nous avons peut-être commis l’erreur, nous, Occidentaux, de vouloir faire exporter directement nos propres systèmes politiques sur une Afrique qui avait d’autres traditions, ancestrales, donc ethniques, et je pense que c’est… Les Russes ou les Chinois, voire les Turcs, qui sont trois systèmes totalement différents, font sans doute la même erreur.

L’avenir politique de l’Afrique se fera par les Africains, pas en…

plaquant, finalement, ou en imitant, euh, avec des conditions en réalité de pression et de température qui sont totalement différentes. -Antoine Glaser, de ce que vous savez de ce qui se passe en Afrique, avez-vous le sentiment que la Chine, la Russie, dans leur coopération avec l’Afrique, apportent de la prospérité à ce continent ?

Et de la stabilité politique ? -Moi, je reviendrais… -Parce que, il faut savoir, si on critique la Françafrique comme on le fait, si on considère qu’il faut revoir la politique de coopération, est-ce que la mondialisation, aujourd’hui, profite à l’Afrique à travers les échanges avec la Chine, la Russie, la Turquie, le Brésil ?

-Bien sûr. La mondialisation, l’Afrique est mondialisée, je vais pas répéter les choses, mais il faut qu’on sorte de cette période historique qui était cette période…

-Mais on est là, aujourd’hui.

-Mais justement, si on continue à voir l’Afrique avec les stratégies des anciennes puissances coloniales, on comprend rien. Même la Russie, ils font ça à bas bruit et à bas prix, ça a été dit, Wagner ne dépense pas, comme le fait la France, un ou deux milliards d’euros du contribuable pour son armée. Je veux dire, ils font ça à bas bruit, avec une stratégie, ils surfent sur les sentiments d’une autre période historique, mais c’est la mondialisation de l’Afrique et vraiment l’Afrique des Africains. Les gens doivent comprendre..

. Un pays comme le Gabon, vous avez à peu près un million d’habitants et le Nigeria, 200 millions : les problèmes n’ont rien à voir les uns avec les autres. On peut pas toujours dire « les Afrique », mais il faut quand même parler des Afrique, avec l’Afrique du Sud, l’Afrique australe, qui est un sous-continent, il faut que la France, comme les autres puissances extérieures, apprenne de l’Afrique, comprenne l’Afrique.

Qu’est-ce que l’Afrique et les Africains ? Sur les matières premières et autres, l’erreur de la France, vous disiez tout à l’heure, par rapport aux Anglais, les Français ont eu, alors pour le meilleur et pour le pire, c’était toujours une colonisation, c’est-à-dire qu’on n’aimait que les Africains qui nous ressemblaient selon une politique assimilationniste.

Les Anglais, c’est le pire et le meilleur, le pire avec l’apartheid en Afrique du Sud, le meilleur, c’est chacun dans son club. Les filles de Chibok qui se font enlever au Nigeria, jamais un ministre anglais ne s’en est occupé, en dehors de Michelle Obama avec son « bring back our girls ». Il faut arrêter de penser qu’on peut faire le bonheur de l’Afrique, il faut laisser l’Afrique aux Africains. Il faut arrêter avec ça. -L’Afrique aux Africains.

Calixthe Beyala, vous vivez à Paris, je crois, de ce que vous savez et de ce que vous entendez, est-ce que la présence chinoise, la présence russe, l’amiral Guillaud vient de dire que les Russes, via la sécurité de Wagner, se paient en pillant les mines, est-ce que vous avez le sentiment que ces puissances comme la Chine, la Russie, ne se comportent pas comme des puissances prédatrices, comme on a accusé la Françafrique de l’être ? L’Afrique est-elle immunisée contre ces prédations, en quelque sorte ? -Ce qu’il est important de savoir, c’est que les Africains ne connaissent pas les Russes.

Même si Wagner existe, on ne les connaît pas. Pas plus que les Chinois, c’est-à-dire qu’ils viennent là peut-être faire leurs routes, ils vivent dans leur coin, y a pas de contact en tant que tel entre les popu.

.. Je vis aussi en Afrique, c’est important, je vis la plupart du temps en Afrique, depuis quelques années. -Dans quel pays ? -Au Cameroun, essentiellement au Cameroun, je connais bien la Centrafrique, mes frères sont généraux en Centrafrique donc je connais très bien la situation en Centrafrique ou en Guinée équatoriale, bon, on ne les connaît pas, déjà, donc ce qui est important de dire est que la relation à la France paraît beaucoup plus violente, pourquoi ?

Parce que c’est une relation un peu plus fusionnelle, c’est-à-dire une relation qui date, un vieux couple qui est là, depuis des décennies, des générations, qui a produit des enfants, des petits-enfants, et évidemment, c’est pas pareil qu’une relation avec un inconnu.

Je veux dire que les Africains connaissent les Français. Les Français ne connaissent pas les Africains, c’est là où on a d’abord péché : en France, on n’a pas eu la curiosité de connaître les Africains et ce n’est même pas juste de l’assimilationnisme, les Africains les plus faibles, la France a toujours travaillé avec les populations, enfin, choisi parmi nous les éléments les plus faibles. Or, les éléments les plus faibles sont les éléments dangereux, pardon de le dire comme ça, ce sont eux qu’on a mis en place et qui ont créé la situation actuelle et pillé les pays, parce que quand on parle de la Françafrique, quand on parle du franc CFA, c’est à cause de l’obscurité autour de la question.

-Il y avait un système opaque.

-Voilà. Et donc, les peuples ne veulent plus de ça. On a des dictateurs en place, la France les a évidemment mis en place en choisissant les éléments les plus faibles, qui n’ont jamais eu le courage d’affronter leur peuple et leurs difficultés. Mais je ne mets pas la seule responsabilité sur la France, nous aussi. Si vous allez au Cameroun, ils sont là depuis 60 ans, ils n’ont rien fait.

La misère est essentiellement la cause de ce ressentiment envers vous. Les Africains sont pauvres, riches et pauvres à la fois, on a quelques familles qui ont tout, le reste qui mange du soleil, qui boit du sable et c’est ça, le vrai problème. C’est pas la démocratie le problème, en tant que tel, c’est la misère car on a des gens qui confisquent tout, voilà.

-Nicolas Baverez ? -Oui, juste prolonger ce qui a été dit, et aussi dans la continuité de ce que vous avez dit.

L’Afrique aux Africains, évidemment, dans ce sens où, comme tous les pays, les nations, les continents, c’est des nations et des continents, des peuples qui ont vocation à prendre leur destin en main. En revanche, je pense que la France, on a beaucoup parlé de France, mais c’est l’Europe plus fondamentalement, on ne peut se désintéresser de l’Afrique, parce que, vous l’avez dit, y a des liens humains permanents, y a des enjeux qui sont permanents, on sait que la percée du djihad en Afrique a des conséquences immédiates sur l’Europe, on sait que, si le développement échoue, évidemment, y aura des problèmes de migration majeurs, on sait également que si les choses, à l’inverse, fonctionnent bien, c’est le grand continent émergent du 21e siècle et donc, c’est pour ça qu’il faut imaginer des logiques de codéveloppement et, dans ces logiques, c’est pour ça que, moi, je sais que, économiquement, le gros problème du franc CFA, en réalité, c’est que, comme il y a le lien avec l’euro, c’est une monnaie surévaluée, donc qui pose des problèmes de compétitivité.

Mais à l’inverse, il a cet avantage qui permet à des pays de travailler ensemble et de commercer. Regardez, le contre-exemple, c’est le Maghreb : c’est une aberration qu’il y ait pas un grand marché du Maghreb. On a des pays qui s’opposent et c’est un obstacle majeur au développement.

Donc vous voyez, c’est pour ça que les choses sont compliquées, l’Afrique aux Africains, évidemment, au sens où c’est évidemment pas à la France d’aller choisir les dirigeants ou d’intervenir. -On vous a entendu. -En revanche, on ne peut pas perdre l’Afrique et on ne peut pas laisser des puissances comme la Chine ou la Russie, donc la Chine, c’est la dépendance à la dette, la Russie, c’est très violent et c’est Wagner, la Turquie, c’est la religion, mais on ne peut pas laisser ces pays…

-Mais ils ne nous demandent pas l’autorisation. -Oui, y a une compétition, il faut qu’on joue le jeu dans le monde d’aujourd’hui. -Via un dialogue. -Antoine Glaser, y a un point que j’aimerais éclaircir avec vous, les forces armées africaines sont censées s’occuper de la sécurité du continent africain.

On dit qu’elles sont, dans l’ensemble, corrompues.

Est-ce que c’est exact et, dans ce cas-là, à qui revient d’assurer la sécurité du continent africain ? -Non, mais je veux dire, elles sont corrompues, c’est pas les armées qui sont corrompues, ce sont des systèmes. Y a eu toute une période où finalement la France s’était un peu substituée aux armées africaines nationales, dans cette période, voilà, qu’on appelle post-coloniale. C’est vrai que des présidents comme Houphouët-Boigny préférait avoir une garde présidentielle et il préférait que ce soit les Français qui assurent sa sécurité avec le 43e BIMa. Donc c’est aussi, d’abord, c’est vrai qu’on est là pour parler de la France en Afrique, y a une responsabilité énorme évidemment des dirigeants africains, les dirigeants africains ont peur, et à juste titre pour certains, de coups d’Etat de leurs militaires.

Longtemps, ils ont préféré demander à la France d’assurer leur sécurité plutôt que de former leurs propres officiers.

Mais encore une fois, il faut quand même comprendre ce qui se passe en Afrique avec toute cette zone depuis la Mauritanie jusqu’au Soudan où y a plus d’Occidentaux, les djihadistes ont réussi, mais c’est pas simplement les djihadistes, c’est parfois aussi des réseaux islamistes plus ou moins radicaux, peut-être de Saoudiens, peut-être de Qatariens et autres qui font du prosélytisme aussi dans toute cette région. On est dans une nouvelle période historique. Alors évidemment que les Chinois, eux font l’économie, la Russie va faire surtout la sécurité et aussi un certain type de matières premières, pour aussi pouvoir vendre des petites centrales nucléaires. Mais il faut vraiment voir ça avec un grand angle et comprendre qu’on n’est plus.

.. On parle du CFA, mais ceux qui défendent le CFA, car le CFA est politique, il est économique mais il reste, aux yeux d’un certain nombre d’Africains, il est très politique, ce sont les dirigeants africains et vous allez pas pouvoir renverser les Etats.

Il faut laisser du temps au temps, y a un certain nombre de jeunes Africains, ça va se développer, y aura des bouleversements comme on a vu dernièrement en Chine, les choses évoluent aussi. Les choses évoluent, mais nous, on s’est mis quelque part hors jeu parce qu’on voyait pas les enjeux, localement.

On s’est un peu endormis, on s’est endormis dans une Afrique qui était plus la nôtre et où on s’est cru encore chez nous. Donc il faut laisser du temps au temps et laisser l’Afrique se développer. Je suis complètement d’accord avec Calixthe Beyala, faut arrêter de dire aux Africains : attention, les Chinois vont vous exploiter, attention, les Russes ! Laissons-les, laissons-les.

J’aimerais un jour faire un livre en disant « démerdez-vous », je veux dire, laissons les Africains se démerder avec l’affaire !

-Bien, je ne sais pas si on va reprendre la formule d’Antoine Glaser, mais en tout cas, on parle beaucoup de démographie en disant que, en 2050, y aura deux milliards, plus de deux milliards d’Africains, est-ce que, à votre avis, Calixthe Beyala, l’Afrique est prête à faire face à cette montée démographique et, surtout, qui pour assurer son développement, quand on voit certains chercheurs comme Stephen Smith, qui considère que ceux qui quittent l’Afrique sont souvent des gens de qualité et bien formés ? -Bien, je pense… -Quand on parle de l’avenir, hein.

-Oui, absolument, je suis consciente qu’il y aura deux milliards d’Africains en 2050 et je crois que c’est une très bonne chose car à tout boom économique précède un boom démographique. On peut pas faire des Etats, par exemple en Guinée équatoriale, avec 700 000 personnes. Qui consomme ? Personne.

On peut pas faire des Etats avec un million de personnes.

L’Afrique est sous-peuplée, mais dynamique, d’ailleurs, parce qu’on a une jeunesse énorme. Quand on a 40 ans, en Afrique, on est presque trop vieux, les autres ont 20 ans. C’est formidable. Contrairement à ce qu’on croit, les gens sont hyper-formés. Vous prenez un pays comme le Cameroun, si vous leur donnez des instruments, même pour faire des microprocesseurs, ils vous le feront, tellement on a formé nos enfants, notamment au niveau du Cameroun, on a créé des universités, nous-mêmes, c’est pas l’Etat, partout, on a formé nos jeunes.

Ils sont prêts. Ce qui nous manque, aujourd’hui, c’est peut-être, disons, pour impulser toutes ces choses, c’est-à-dire pas corrompus, pas qui dorment chez eux, pas 90 ans au pouvoir et qui puissent permettre à l’Afrique de démarrer. Et ça va se faire car, vraiment, la nouvelle génération a des gens de qualité. Ensuite, l’immigration a toujours eu lieu, et c’est une bonne chose pour tout le monde, et j’espère qu’il y aura de l’immigration de la France et de l’Europe vers l’Afrique.

C’est un jeu permanent, et qui a permis à l’humanité d’évoluer, il faut qu’on évolue tous et qu’on dépasse certaines choses.

On ne dira pas à l’Afrique « démerdez-vous » car la France aura aussi besoin de l’Afrique, nous aurons besoin les uns des autres. C’est pour ça que le discours… -Démerdons-nous.

-Oui, démerdons-nous, et je pense que le plus urgent, aujourd’hui, pour la France, c’est de…

d’impulser un dialogue avec les Africains. C’est ce qui manque, de les écouter et que, ensemble, on puisse tirer des conclusions et avoir un canevas à suivre.

-Georges Serre, est-ce que vous êtes aussi optimiste par rapport au défi démographique ? -La résilience, en Afrique, c’est quelque chose de formidable et c’est tout à fait humain, c’est comme ça que l’humanité s’est créée depuis 100 000 ans, depuis… Sapiens vient bien d’Afrique, tout le monde le dit aujourd’hui.

Alors, un pays comme le Niger, chaque fois que les gens regardaient, par exemple en 1950, les gens disaient, les économistes : 500 000 personnes au Niger, c’est pas praticable, ça ne pourra jamais suffire. Et ainsi de suite. La Banque mondiale dit, en 1975 : plus de six millions au Niger, c’est pas possible, on a déjà brûlé tout autour de Niamey. Aujourd’hui, y a 20 millions d’habitants et y a pas eu de grande famine depuis 15 ans, elles étaient liées à des sécheresses. Donc il y a une résilience, les gens apprennent à cultiver.

On a parlé tout à l’heure de grenier futur de l’Afrique, donc ça ne me fait pas peur, au contraire, c’est un atout d’avoir cette jeunesse. Les gens se débrouillent aujourd’hui, en plus. Les grandes villes comme Lagos, Abidjan, les grandes…

Les gens se débrouillent parce qu’ils ont intérêt à survivre en utilisant des moyens à la fois modernes et traditionnels. Donc ils continueront à cultiver des plantes anciennes et en même temps se tourner vers l’informatique. J’ai vu, effectivement, dans certains pays, des jeunes à peine formés sur l’informatique par des plus âgés qui construisent des ordinateurs. C’est ça, la vraie Afrique. -Vous en pensez quoi, amiral ?

La transition démographique… -Je suis surpris, et agréablement surpris par plusieurs phénomènes. Y a 20 ans, on expliquait que, à cause de l’épidémie de SIDA, la population d’Afrique allait tomber, en 2020, serait en dessous de 500 millions d’habitants.

Donc là, les démographes et les épidémiologistes se sont largement trompés. Du coup, les deux milliards, peut-être un milliard et demi, mais c’est formidable. Pour aller encore assez régulièrement en Afrique, je suis toujours…

Enthousiasmé, y a pas d’autre mot, par la volonté de la jeunesse. Je donne cours dans une université qui est à 150 kilomètres de Dakar, qui est celle de Bambey, où l’on forme des jeunes pour les besoins locaux, pas pour aller les exporter aux Etats-Unis, ou en Europe, mais bien pour les besoins du Sénégal, voire d’autres pays. Donc, intellectuellement, tout y est, y compris la volonté. C’est vrai par ailleurs que ça bouillonne, car 70 % de la population a moins de 30 ans, donc c’est assez naturel. C’est vrai que c’est assez pratique de trouver un bouc émissaire, hein, c’est.

.. Et la Françafrique en est un, la troisième période de la Françafrique, comme disait Nicolas Baverez, on est loin de la première. D’un autre côté, c’est à nous d’aider les Africains à acquérir les bons instruments, c’est pas vendre, il s’agit pas de ça, il s’agit de les aider, s’ils le souhaitent, et avec eux, et non ps de leur dire : voilà votre solution.

Ca, ça ne marchera pas.

Du coup, oui, on y arrive, c’est vrai y compris au point de vue sécuritaire. La sécurité, ce qu’on oublie de dire un peu, c’est qu’un certain nombre de chefs d’Etat africains sont d’anciens militaires, c’est la raison pour laquelle, au pouvoir, ils ne veulent surtout pas que leur armée soit compétente car ils ont peur d’être renversés par un autre militaire. D’où, et on revient a ce qui a été dit déjà deux fois ce soir, eh bien on déléguait la sécurité, plus ou moins, à l’ex-puissance coloniale. Je pense que ce temps est passé, maintenant, et que les nouvelles générations ne l’accepteront plus. Et c’est tant mieux.

-Ecoutez, il nous reste très peu de temps. Je voudrais…

L’Afrique, c’est un très grand continent, avec au nord un pays comme l’Algérie, au sud l’Afrique du Sud, tout ça est très complexe, c’est des Afrique.

On a très peu de temps, en une minute, chacun d’entre vous, qu’est-ce qui est souhaitable, au niveau de l’Afrique ? Est-ce que c’est une union africaine, comme il y en a, comme on a fait l’Union Européenne ? Mais qui a des défaillances, on le constate aujourd’hui, notamment sur l’énergie. Quels voeux vous formulez à ce sujet ? -C’est le voeu des peuples d’Afrique que je veux formuler, on veut du panafricanisme, c’est-à-dire la construction des Etats fédérés, gouvernés.

.. Et c’est accepté par le peuple africain et pas par les dirigeants, tout le peuple, c’est ce qu’il veut, le panafricanisme, et c’est très facile parce que, hormis l’arabe dans le nord, le reste de l’Afrique, en fait, il y a que trois grandes langues, ce sont les langues bantoues, les langues à claque de l’Afrique australe, les langues de l’Afrique de l’Ouest avec le foulbé.

Donc c’est très facile. On est déjà très en avance, on a travaillé sur ces langues, on a choisi de parler, par exemple, l’arabe, le français, l’anglais, le swahili et le foulbé, les cinq langues choisies pour cette Afrique de demain.

Donc nous sommes déjà très avancés, on a déjà travaillé sur les socles communs, ce que nous devons avoir en commun au niveau de la pensée… Bon, je peux pas tout développer. -Merci.

Un mot là-dessus ? Mais un mot, on n’a plus de temps. -Premièrement, l’Afrique va être le seul continent en expansion et qui va être un continent jeune dans un monde qui va beaucoup vieillir. Deuxièmement, oui, c’est la logique de l’intégration qui est la bonne et tout ce qui peut la promouvoir, y compris autour des pays qui sont les pays un peu structurants, c’est-à-dire Nigeria, Afrique du Sud, Egypte, Algérie, Maroc.

Et la dernière chose, et je le répète, ce que vous avez appelé dialogue, on peut l’appeler codéveloppement et c’est un enjeu vital pour la France et l’Europe et on peut pas s’en désintéresser.

Autant l’Afrique se développera par elle-même mais pas seule non plus. -Antoine Glaser, très bref. -En tant que Français, je pense que c’est vraiment l’heure d’apprendre de l’Afrique, de s’intéresser vraiment à l’Afrique des Africains, donc d’arrêter les leçons et de s’intéresser. On a trop longtemps exporté dans ces pays..

. pas simplement une constitution et la langue, il faut apprendre de l’Afrique et s’intéresser à ce qu’elle est réellement. Y a un gros travail à faire, quelques chercheurs le font, mais très peu. -Amiral Guillaud, là-dessus ? -Si on considère, je crois que c’est le cas autour de cette table, que le continent majeur du 22e siècle sera l’Afrique, c’est donc au 21e siècle qu’il va prendre.

..

et que nous, nous sommes sur une pente descendante, c’est une simple observation, eh bien allions-nous, ne laissons pas passer le train et les Africains le méritent. -Votre voeu africain, Georges Serre ? -Pour compléter ce qui a été dit, laisser aussi la place au financement du secteur privé, le moteur de l’Afrique aujourd’hui, le vrai moteur de l’Afrique, qu’elle se développe de manière harmonieuse et solide.

-Ecoutez, merci, madame, merci, messieurs. On ne se lassera jamais de faire des émissions sur l’Afrique. Avant de nous quitter, je voudrais vous signaler une bibliographie. Alors, Kako Nubupko, qui est un ancien ministre, vient de publier ce livre.

Vous l’avez lu, madame Beyala ?

-Non, pas encore, mais je le lirai avec plaisir. -Alors je vous l’offre avec plaisir, voilà. Calixthe Beyala, vous, vous avez publié un ouvrage…

Alors, j’ai choisi ça. En un mot, c’est quoi, le Christ selon l’Afrique ? -Parce qu’il y a des églises, des pasteurs à tous les coins de rue et des prophètes. Et c’est un pourrissement, aussi, spirituel pour l’Afrique. C’est de ça que je parle.

-Je voudrais également signaler un livre qui vient de sortir et qui est assez exhaustif sur l’Algérie, l’Algérie du 19e siècle, du 20e siècle et du 21e siècle. Nous avons également, je voudrais signaler votre livre, Antoine Glaser, fait avec Pascal Airault. Est-ce que vous pensez que Macron apprend de mieux en mieux à connaître et gérer l’Afrique ? -Oui, parce qu’on l’entend de moins en moins. Rires Donc il a compris que, sur l’Afrique, il devait faire voeu de silence.

Et on ne l’entend plus.

-Bien, écoutez, voilà une observation. Nicolas Baverez, vous pensez que la démocratie est en danger. On a toujours besoin d’agiter ce drapeau démocratique ? -Ah, plus que jamais.

La liberté n’est jamais donnée, c’est un combat et, en ce moment, un combat de plus en plus compliqué, c’est vrai en Afrique, c’est vrai sur tous les continents. -Merci, madame Calixthe Beyala, merci, messieurs, d’avoir participé à cette émission. Je voudrais remercier notre excellente équipe à LCP et, avant de nous quitter, vous laisser avec cette réflexion de Pierre de Villiers, qui a également été chef d’état-major des Armées : « Je crains que le désengagement français « n’accélère une déstructuration de certains pays « africains au profit de puissances « comme la Chine et la Russie. » SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA

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