Voilà une phrase qui revient toujours chez mes compatriotes – tous hyperdiplomés que nous sommes, champions de l’analyse globale et des grands thèmes, inventeurs de concepts et conseillers en com d’une dizaine de présidents africains. Écoutez un Camerounais parler, et vous croirez qu’il vient d’un pays – et pas d’un coin de la terre ou en 2020 on coupe encore la tête des gens et la met aux carrefours, et/ou les soldats de l’armée nationale violent encore les filles avec le balai et abattent des bébés. Moi ça n’a jamais été ma manière de voir les choses. J’ai compris que j’avais raison le jour ou, sans blague, j’ai vu des photos de Achille Mbembe au pays, c’était en 2018 – et il y allait tout le temps de son propre aveu, en se cachant, onong. C’est-a-dire que quoi : que les gens qu’il tutoie ici dehors, les Spivak, les Gilroy et autres Mamadou Diouf, quand ils ont tout décortiqué comme et avec lui sur cette terre, quand ils ont fini de faire le tour des amphithéâtres de la terre entière, Sorbonne par-ci, Duke par-la, pour expliquer les grands thèmes que sont le racisme, la globalisation, et autres, ils rentrent dans leur pays en sifflotant, mais Mbembe, lui, va dans son pays le Cameroun en grelottant et en se cachant, quoi. Comme on va chez une prostituée, en guettant à gauche et à droite si on l’a vu avant de djoum. Et cela, sans qu’on ne l’aie chasse du pays, o, car il n’y a aucun mandat d’arrêt contre lui, et il n’a pas été expulsé ; mais il y va en se cachant, comme nous avons tous vu. Yannick Noah fait le tour de la terre pour montrer la beauté de son corps, et ses problèmes de ménage font la Une des journaux de France, mais au Cameroun, quand il est là, il évite les journaux, et se cache comme un bandit. Pas des paparazzi comme ses amis stars françaises quand en vacances, mais comme un voleur. Il se cache littéralement dans un trou.
Pourquoi ces grands de ce pays, se cachent-ils tous quand ils arrivent au Cameroun ? Why? À cause de la force nocive des petites choses. Regardez l’avalanche qui s’abat sur Maurice Kamto – c’est tout simplement démentiel. Voilà des titres qui le disent « le fou du village », voila la CRTV qui dit que c’est lui qui a inventé le tribalisme au Cameroun, pas moins ! Et ceux qui défendent ça ont le doctorat d’État ! Huit (8 !) ministres mis en rang pour le détruire ! Que ne dit-on pas ! Et rappelez-vous, toutes ces choses, on les disait de moi également quand j’étais au-devant de la campagne pour sa libération. Je n’y suis plus, je suis out de tout ce qu’il fait à 100 %. Eh bien aujourd’hui on le décrit plutôt, lui, avec exactement les mêmes mots, exactement les mêmes qualificatifs qu’on utilisait pour moi : c’est lui le fou ! C’est lui le fou du village ! C’est lui le bandit ! C’est lui le génocidaire ! Pourquoi ? Parce que c’est la vipère qui ici parle, et elle n’a comme langage que le venin. J’ai toujours trouvé que c’est une erreur fondamentale de négliger la vipère à cause de sa taille, car c’est elle qui tue l’éléphant. Qu’elle soit téléguidée ou pas, l’éléphant est mort. Voilà l’erreur fondamentale que ces aines intermédiaires ont commis, et qui fait qu’en 2020 ils en soient réduits à se cacher pour aller au pays : croire que c’est les « grands thèmes », et les « grandes gens », les « victoires à Wimbledon » qui font l’histoire. Non, ce sont les petites gens qui font l’histoire, et ce sont les petites gens qui la défont. Ce sont les petits thèmes qui mobilisent les grandes foules — on appelle ça « trending -, et l’instrument du changement ce n’est pas CNN, ou Harvard University, mais ton smart phone. Voilà pourquoi la CRTV est dorénavant sur les réseaux sociaux que l’État interdisait pourtant en 2017 en instituant l’internet shut down le plus long de l’histoire d’internet, par décision du Minpostel, et pourquoi tous les médias de ce pays tournent dorénavant sur ce que les médias sociaux ont dit.
Ce n’est pas rabaisser le débat, c’est intelligent.
Concierge de la République
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