LE PLAN DE MAURICE KAMTO POUR METTRE FIN AU GÉNOCIDE

(Texte publié par Maurice Kamto dans l’influent quotidien britannique Mail&Guardian)  

Texte publié par Maurice Kamto

LE PLAN DE MAURICE KAMTO POUR METTRE FIN AU GENOCIDE DANS LA ZONE ANGLOPHONE
LE PLAN DE MAURICE KAMTO POUR METTRE FIN AU GENOCIDE DANS LA ZONE ANGLOPHONE

Traduction de BORIS BERTOLT

Le 18 mars de l’année dernière, le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires africaines, Tibor Nagy, a rencontré le président camerounais Paul Biya à Yaoundé, la capitale du pays. La réunion a eu lieu après près de trois ans de préoccupations croissantes concernant la violente descente dans le chaos des régions du Nord-ouest et sud-ouest du Cameroun. Le gouvernement central et les séparatistes de notre minorité anglophone se sont engagés dans un conflit brutal découlant des griefs valables de la minorité anglophone concernant la marginalisation et des efforts délibérés et continus pour diluer leur héritage culturel anglais dans la culture majoritairement francophone du Cameroun. Backlinks, Vues

Plusieurs mois après, en décembre 2018, avant une audience en commission devant la Chambre des représentants des États-Unis, Nagy avait soulevé la question du Cameroun comme l’un des conflits les plus graves au monde, déclarant : « Je crains que [la crise] ne puisse aller de mal en pire » il avait, en effet, raison. Et la sombre prédiction de Nagy était parallèle à celle d’innombrables militants, journalistes et dirigeants pro démocrates camerounais, y compris mes propres collègues, qui ont constamment sonné l’alarme — mettant souvent leur vie et leurs moyens de subsistance en danger pour le faire, et faisant face à la colère des autorités camerounaises.

Les Nations Unies estiment prudemment que le conflit en cours a tué plus de 3 000 personnes et déplacé près de 700 000 autres dans les régions anglophones, un nombre stupéfiant qui représente environ 20 % de la population de notre pays. Plus récemment, le 14 février 2020, une vingtaine de villageois, dont 14 enfants et une femme enceinte, ont été massacrés dans le village de Ngarbuh, dans la région nord-ouest, par des membres présumés de l’armée camerounaise. Cette situation a entraîné une instabilité massive au Cameroun, ainsi que dans la sous-région, y compris chez notre voisin le Nigéria, où des dizaines de milliers de civils — principalement des femmes et des jeunes enfants — ont cherché une sécurité éphémère.


Un an après la rencontre entre Nagy et Biya, rien n’a changé. En fait, la crise n’a fait que se métastaser, en grande partie en raison de l’incompétence du gouvernement camerounais, des actes de violence étatiques et des brutalités impensables, et d’une détermination durcie parmi les séparatistes anglophones du Cameroun, qui considèrent désormais les représailles violentes comme la dernière et apparemment la seule option pour répondre à leurs demandes.

Un plan réalisable pour résoudre l’aggravation du conflit camerounais (qui ne représente que l’un des nombreux symptômes de la dictature brutale de Biya qui règne depuis des lustres) est attendu depuis longtemps. Le mois dernier, je me suis rendu à Washington DC pour exprimer mes préoccupations et présenter une vision alternative pour assurer un Cameroun démocratique et stable. Pour mes efforts, j’ai été accueilli par des menaces de mort et des intimidations, ce qui a incité les législateurs américains à exiger mon retour en toute sécurité. Ces risques, bien sûr, ne sont pas surprenants à la lumière de mes neuf mois de prison en 2019, ainsi que de ce qui semble être une tentative de mort le week-end dernier lors d’une visite à Garoua, une ville du Nord. Je ne serai pas dissuadé et je ne me tairai pas.

Voici mon plan pour faire avancer le Cameroun, de la violence en cours à une paix juste. D’abord et avant tout, comme acte de bonne foi, le gouvernement camerounais doit immédiatement libérer tous les prisonniers politiques incarcérés, en raison notamment du conflit anglophone, ainsi que de la crise postélectorale déclenchée par le simulacre de l’élection présidentielle d’octobre 2018, qui a prolongé le règne de Biya à presque quatre décennies à la tête de l’État du Cameroun. Parmi les prisonniers libérés, doit figurer, par exemple, Ayuk Tabe, une voix bien connue de la communauté séparatiste anglophone, et Mamadou Yacouba, le premier vice-président de mon parti politique, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun.

Deuxièmement, la violence des deux côtés doit cesser aujourd’hui. Pour accomplir cet exploit, le gouvernement camerounais, et Biya en particulier, doit accepter au moins un cessez-le-feu temporaire avec les forces séparatistes dans les régions anglophones, y compris la suppression de toutes les grandes installations militaires. Notre peuple a subi suffisamment de calamités et de nouvelles violences ne feront que renforcer les animosités désormais presque insurmontables des deux côtés.

Troisièmement, les séparatistes et le gouvernement central doivent convenir d’un cadre de base pour un dialogue inclusif. Un élément clé de cette feuille de route sera d’avoir des discussions honnêtes sur la forme et la composition d’un nouvel État camerounais. Pour moi, le fédéralisme est la clé d’un avenir plus durable et plus pacifique. Le dialogue proposé, présidé par un médiateur international impartial, contribuera au règlement définitif de la guerre civile, qui est en train de se propager et qui déchire les régions anglophones. De nouveaux retards dans l’atteinte de ces objectifs sont totalement irresponsables.

Quatrièmement, le gouvernement doit aider les citoyens anglophones à retourner dans leurs foyers et leurs communautés en s’engageant à reconstruire les infrastructures détruites pendant la guerre, y compris d’innombrables résidences privées, hôpitaux et écoles. En effet, la plupart des écoles des deux régions anglophones sont déjà vides depuis trois ans, privant effectivement notre pays de son avenir et d’une génération de connaissances et de compétences nécessaires.

Enfin, le gouvernement de Biya — en coordination avec la société civile et l’opposition prodémocratie — doit entreprendre des réformes politiques attendues depuis longtemps ; en d’autres termes, nous devons nous attaquer aux causes profondes des crises en cascade au Cameroun. Il doit y avoir une réforme consensuelle du système électoral, certainement avant la planification de toute nouvelle élection, pour éviter les conflits postélectoraux qui se sont envenimés au cours des 17 derniers mois. De même, il doit y avoir une rédaction consensuelle d’une charte camerounaise unique garantissant le respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme bafoués depuis trop longtemps.

Ces initiatives interdépendantes instaureront le respect mutuel qui est nécessaire, et qui fait jusqu’à présent défaut, pour forger une voie viable à suivre pour le Cameroun. S’ils sont entrepris de bonne foi, par les deux parties du conflit, nous, Camerounais patriotes, pouvons sérieusement commencer à assembler notre tissu social effiloché. Ce n’est pas irréparable, mais le moment est venu d’agir. Ce n’est qu’alors que nous, citoyens concernés, pouvons commencer à faire confiance à nos dirigeants, à guérir les divisions et avoir foi en notre avenir en tant que nation.

Traduction de BORIS BERTOLT

Source Facebook.com Texte original en Anglais

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