Djihadistes au Sahel : enquête sur leurs armes et leurs méthodes

Lance-roquettes, colonne de motards, pick-up équipé d’une mitrailleuse, cette vidéo a été publiée en juillet 2021 par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans affilié à Al-Qaïda. Le groupe djihadiste implanté en Afrique, au Sahel, y expose sa puissance de feu et ses prises de guerre, comme ce camion blindé qui appartenait à la Minusma, la mission des Nations unies au Mali. Des vidéos de propagande djihadiste au Sahel, il en existe des dizaines sur Internet. Le Monde en a collecté une partie et les a analysées. Elles éclairent comment, sur le terrain, s’organisent les terroristes d’Al-Qaïda et de l’État islamique, mais aussi comment ces groupes combattent et mettent en difficulté les armées locales.

Dans le désert sahélien, le 10 décembre 2019, une colonne de motos se dirige vers la base militaire nigérienne d’Inates, à moins de cinq kilomètres de la frontière malienne. Ces hommes font partie de l’État islamique au grand Sahara, un groupe terroriste djihadiste très actif dans cette région. Lorsque l’attaque débute, on aperçoit furtivement cet homme, derrière une mitrailleuse montée de manière artisanale sur une moto. Ce mur et ce buisson indiquent qu’il se trouve ici, à environ 300 mètres de la base militaire. Il tire avec une mitrailleuse de 12,7 mm, un gros calibre qui peut être utilisé pour fixer l’adversaire, c’est-à-dire pour l’empêcher de bouger sous un feu nourri.

Quelques mètres plus loin, cet autre djihadiste est filmé, une courte séquence qui apporte une information précieuse : l’heure du début de l’attaque. En croisant le jour connu de l’assaut, la localisation de cet homme et la longueur de son ombre, nous avons pu déterminer que l’attaque a débuté aux alentours de 14 heures. Quelques scènes de combat plus tard, on aperçoit ces trois hommes armés.

Ce sont les premières images des djihadistes à l’intérieur de la base. Les ombres de ces deux bâtons indiquent qu’il est environ 15 heures 30.

Pour s’emparer de la base, les djihadistes ont donc mis environ une heure et demie. Pour l’armée nigérienne, le bilan est lourd. Selon les autorités du pays, 71 soldats ont été tués au cours de l’attaque. La base visée se situe au cœur d’une zone où de nombreux djihadistes sont présents. Cette région où le Mali, le Burkina Faso et le Niger se rencontrent, s’appelle la zone des trois frontières.

C’est ici que les djihadistes de l’État islamique au Grand Sahara sont actifs. Leur chef, Adnan Abou Walid Sahraoui, a été tué par l’armée française à la fin de l’été 2021, mais ils ne sont pas seuls dans cette zone. Des hommes d’Al-Qaïda regroupés depuis 2017 sous une alliance commune, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, sont également présents.

Toujours au Sahel, une autre région connaît l’action de djihadistes : le bassin du lac Tchad. On retrouve des combattants du groupe Boko Haram, qui a connu des divisions internes.

Une partie de ses membres ont prêté allégeance à l’État islamique pour devenir sa division d’Afrique de l’Ouest. Nigeria, le 10 février 2021, dans la localité d’Askira. Des djihadistes affiliés à l’État islamique lancent une offensive. Sur ces images diffusées par l’organe central du groupe, un véhicule mène l’assaut. C’est un blindé FV 103 Spartan qui équipe normalement l’armée nigériane.

Derrière lui, deux autres véhicules. Leur camouflage est identique à ceux de l’armée nigériane. Il s’agit de matériel dérobé à l’armée nigériane par les djihadistes. Une prise de guerre qui leur permet de bénéficier d’un effet de surprise en approchant au plus près de leur cible. Pour tromper les armées régulières, d’autres méthodes sont utilisées par d’autres organisations terroristes.

Cette vidéo, diffusée en septembre 2018, montre l’entraînement de djihadistes affiliés à Al-Qaïda. La réalisation et le montage des images sont particulièrement soignés. On voit les combattants en train de préparer une attaque. Leur cible : la base militaire de l’aéroport de Tombouctou, au Mali, une base qui abrite des soldats des Nations unies et des Français de l’opération Barkhane. Dans cette séquence, on aperçoit des hommes déguisés en Casques bleus des Nations unies.

Djihadistes au Sahel : enquête sur leurs armes et leurs méthodes

Leurs casques, parfois des casques de moto, ont été grossièrement peints de la même couleur que ceux des soldats onusiens. Le véhicule qui les accompagne est lui aussi modifié pour lui ressembler, avec de la peinture blanche et le sigle des Nations unies. Il y a aussi cet homme cagoulé, visiblement déguisé en soldat français, dont on peut voir l’écusson ici, grossièrement découpé. Pour se reconnaître entre eux, ces djihadistes portent un brassard rouge visible ici. Après les images de l’entraînement, celles de l’attaque.

Sur les quatre véhicules qui composent la colonne, trois sont chargés d’explosifs et se font détonner à proximité de la base. D’après l’armée française, un Casque bleu du Burkina Faso est tué. Plusieurs sont blessés, dont sept militaires français. L’utilisation de véhicules piégés ne se limite pas à cette région du Sahel. Dans les environs de la ville de Baga, au Nigeria, près du lac Tchad, en janvier 2019.

L’État islamique en Afrique de l’Ouest diffuse des images de ses combattants avec leurs prises de guerre. On y voit des véhicules blindés ou bien ce camion équipé d’un lance-roquettes multiple. L’appareil contient encore 15 munitions prêtes à être utilisées, que l’on peut apercevoir ici, à l’arrière du lanceur. Deux véhicules à l’allure étrange sont également présents dans le convoi. Ce sont des véhicules suicides remplis d’explosifs.

Ces véhicules sont pilotés par des terroristes kamikazes et renforcés par des plaques de métal pour se protéger contre les tirs. Leur mission : progresser au plus près de l’adversaire avant de se déclencher. Depuis 2019, les djihadistes de ce groupe multiplient ce mode d’action, une technique directement inspirée de ce qu’a fait l’État islamique central en Syrie et en Irak entre 2013 et 2019. Mais l’action des groupes djihadistes au Sahel ne se limite pas à quelques brefs coups de force armée. Ce reportage photo, diffusé par l’agence de l’État islamique Amaq, montre une distribution de tracts au Nigeria en août 2021.

En légende, sur chacun des clichés diffusés, on peut lire :  Distribution de brochures de plaidoyer aux musulmans ordinaires expliquant les dangers d’aider ou de rejoindre des apostats.  D’après les djihadistes, ces apostats, ce sont leurs adversaires locaux, soldats réguliers, politiques ou milices pro-gouvernementales. Avec ces photos, le groupe tente de montrer son emprise et son influence sur la population locale. Cette vidéo a été tournée à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.

Des hommes armés, très probablement affiliés à Al-Qaïda, haranguent quelques dizaines de civils en langue peule.

  (langue étrangère)  Des menaces parfois mises à exécution. Entre 2016 et 2020, près de 2 000 civils ont été tués par les groupes djihadistes dans cette zone et près de 4 500 civils dans la région du lac Tchad. Si elles témoignent d’une certaine maîtrise du terrain, même avec des moyens limités, toutes ces vidéos cachent une réalité plus gênante pour les djihadistes présents au Sahel. Ils sont divisés et parfois même opposés. Pendant plusieurs années, les combattants d’Al-Qaïda et de l’État islamique ont fait en sorte de ne pas s’attaquer.

À chacun sa zone d’influence, sa chasse gardée. C’était ce que des chercheurs et des journalistes appelaient l’exception sahélienne. Mais depuis 2019, la situation a changé. À mesure que l’État islamique en Afrique de l’Ouest est monté en puissance, les groupes affiliés à Al-Qaïda s’y sont opposés.

Un conflit repris dans la propagande djihadiste des deux camps, comme ici, dans une vidéo de l’agence Amaq de l’État islamique.

  Attaque par des combattants de l’État islamique, dimanche 2 août, contre un rassemblement de membres d’Al Qaïda à l’ouest de la ville de Ménaka, au Mali, 18 septembre 2020.  Sur ces images, les combattants de l’État islamique tuent au moins trois membres d’Al-Qaïda. Selon l’ONG ACLED, entre 2019 et 2020, ces affrontements entre djihadistes ont tué, dans leurs rangs, plus de 300 combattants.  .

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