CAMEROUN : FERMER CONGELCAM ?

CAMEROUN : FERMER CONGELCAM ?

Par Louis Marie Kakdeu

CAMEROUN : FERMER CONGELCAM ?
CAMEROUN : FERMER CONGELCAM ?

Le regard économique pertinent n’est ni émotif ni communautariste. C’est une affaire de réalisme. Je voudrais discuter de l’actualité de la dernière saisie de CONGELCAM à Obala sur le fond en évoquant ce que vaut réellement cette entreprise, ce qui peut lui être valablement reproché sur le terrain économique et de la santé publique, et comment est-ce qu’on peut améliorer son organisation et son fonctionnement.

CONGELCAM dont on parle, que cela vous plaise ou non, est le plus gros contribuable du Cameroun. Je reprends : Personne ni aucune entreprise ne paie plus d’impôts au Cameroun que CONGELCAM. Si vous voulez les chiffres, ce serait à lui seul autour de 5 milliards de FCFA par an. D’ailleurs, l’honorable Sylvestre Ngouchinghe, le promoteur, se vante de temps en temps en disant qu’il dépasse, lui tout seul, le GICAM dont il n’est pas membre. Ce n’est pas vrai en effet, mais c’est une image intéressante pour comprendre le poids de cette entreprise.

Aucun gouvernement normal n’a intérêt à fragiliser son plus gros contribuable. En 2022, l’orientation des décisions politiques dans le monde va dans le sens de la RealPolitik, c’est-à-dire de la prédominance des intérêts économiques dans les prises de décision. C’est pour cela que nous avons toujours reproché au gouvernement camerounais de ne pas défendre suffisamment ses intérêts économiques. Sur le plan émotif ou communautariste, on peut scander qu’il faut fermer CONGELCAM. Mais, le lendemain de la fermeture, il faut dire comment l’État devra faire pour payer OTS ou pour financer son budget de façon générale. En l’état, on observe que le régime actuel procède par endettement de l’Etat pour financer son fonctionnement, ce qui est un suicide économique que les générations futures auront à payer !

Donc, il faut être lucide surtout si l’on veut parler économie ! Sur le plan de la macro-économie, ce que l’on peut valablement reprocher à CONGELCAM après 40 ans d’existence, c’est d’être resté dans l’import-distribution. Monsieur Sylvestre Ngouchinghe comme beaucoup d’autres milliardaires bayam selam n’a pas une vision durable de son business. Par conséquent, son empire peut s’écrouler après lui. Certains disent qu’il s’en fou de cela. Et c’est à ce niveau que doit intervenir l’Etat pour cause d’utilité publique : Une entreprise qui tient un rôle de premier plan dans un pays n’a plus le droit de faire faillite. La puissance publique doit être mise en œuvre pour obliger les managers à travailler selon les règles de l’art. Nos milliardaires bayam selam gèrent encore leurs entreprises comme des épiceries ! Certains Etats vont dans le sens de s’imposer dans les conseils d’administration en vue de veiller à la bonne gestion des entreprises qui emploient déjà plus de 100 personnes ; la raison est que la fermeture de telles entreprises engendrerait des conséquences économiques et sociales immédiates. En tout cas, ce sont des idées que nous portons.

Bref, il faut rester lucide ! Le modèle économique de CONGELCAM aujourd’hui ne peut pas survivre à son promoteur. Un bayam selam vend ce qu’il trouve sur le marché. Par exemple, CONGELCAM avait imposé le poisson maquereau dans les habitudes alimentaires des Camerounais. Maintenant que le maquereau est rare chez les fournisseurs, l’entreprise est obligée de vendre ce qu’il trouve. Ce seul basculement conduit plusieurs entreprises d’import-export à la faillite. Dans son modèle économique actuel, CONGELCAM ne produit rien. Ses matières premières et ses marchandises dépendent entièrement des fluctuations sur le marché international et des relations personnelles du promoteur avec les acteurs du système. Il se défend d’avoir des accointances avec le régime mais, c’est une mauvaise com dans la mesure où personne n’est dupe ! En tout cas, son modèle économique est précaire. Je suis pour la production nationale au Cameroun et je soutiens que l’État doit inciter les bayam selam à produire progressivement au niveau local. Ces bayam selam ne sont pas d’accord avec moi parce qu’ils estiment que le segment de l’import-distribution est plus rentable que celui de la production locale. C’est vrai, mais c’est précaire ! Une entreprise qui n’est pas autonome en matière première est appelée à disparaître tôt ou tard !

C’est déjà une prouesse pour CONGELCAM d’avoir fait 40 ans d’existence dans le commerce qui est précaire. Avant lui, il y a eu des commerçants qui ont tous disparu ! La faiblesse de notre système de gouvernance, c’est d’encourager le commerce. Dans d’autres systèmes économiques, l’État donne plus d’incitations à produire localement qu’à importer pour vendre (commerce). C’est ce modèle qui permet aux entreprises, même familiales, de traverser des siècles comme en Allemagne qui est la première puissance économique d’Europe. L’Etat du Cameroun doit concentrer ses ressources à la promotion de l’import-substitution qu’il avait lui-même choisi, à savoir, industrialiser le pays par substitution progressive des produits importés. Nous avons tous vu et apprécié comment le Nigéria a exhibé cette année sa production locale de riz ! Oui, c’est possible aussi chez nous !

Sur le plan de la santé publique, l’entreprise CONGELCAM est aussi objectivement critiquable. C’est une négligence managériale qui peut aussi coûter cher à l’entreprise. La chaîne de froid n’est pas respectée en décalage avec la législation en vigueur et les exigences de santé publique. Par exemple, lorsqu’on regarde les images d’Obala, on est frappé par les congélateurs qui sont ouverts. C’est normalement interdit ! Et ce genre d’images est présent dans beaucoup d’autres poissonneries CONGELCAM. C’est documenté ! Si les vétérinaires et autres agents du MINEPIA faisaient normalement leur travail, il y a longtemps que beaucoup de poissonneries seraient scellées. Pour rappel, l’ACDIC avait il y a quelques années, sous exploit d’huissier de justice, prélevé 200 échantillons de poulets congelés dans diverses poissonneries à travers le pays et fait analyser par le Centre Pasteur de Yaoundé. Les résultats avaient révélé que 83,5% de ces échantillons étaient impropres à la consommation humaine. C’est ce qui avait conduit à l’interdiction inévitable de l’importation massive des découpes de poulets congelés dans notre pays en 2006. CONGELCAM était le plus gros importateur touché. Je ne suis pas sûr que si l’on reprenait le même travail sur le poisson, on n’obtiendrait pas les mêmes résultats. Les jours à venir nous diront ! La défense de CONGELCAM a toujours été la même ; elle va dans le sens de ce que l’entreprise est victime de sabotage. Pourtant, il s’agit tout simplement d’un problème de négligence managériale de la part de monsieur Sylvestre Ngouchinghe lui-même ! L’on ne peut pas monter une entreprise en comptant uniquement sur les failles de l’État notamment le laisser-aller qui prévaut au Cameroun aujourd’hui. Le niveau d’intoxication alimentaire (80% des causes de consultation médicale) est tel que le gouvernement, s’il était responsable et pro-Camerounais, aurait déjà pris le taureau par les cornes. Il n’est pas sûr que le prochain gouvernement/régime soit aussi laxiste ! C’est aussi pour cela que je parle de modèle économique très précaire !

Je conclus donc en disant qu’un pays normal ne peut pas laisser CONGELCAM tomber. Toutefois, cette entreprise nécessite d’être restructurée. La Suisse ne peut pas se permettre de laisser tomber la multinationale Nestlé malgré tous les problèmes écologiques que l’on peut mettre en avant. Nestlé, c’est quand même 90 milliards de dollars ! Aussi, si Nestlé est la plus grande industrie agroalimentaire du monde, il faut savoir qu’elle avait été lancée en 1866 avec beaucoup de faiblesses. C’est avec le temps que l’entreprise s’est améliorée pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Ce que nos aînés milliardaires d’aujourd’hui ne comprennent pas, c’est que c’est à près de 60 ans qu’Henri Nestlé a réalisé la plus grosse opération de son entreprise. Nos importateurs comme l’honorable Sylvestre Ngouchinghe semble dire que ce n’est pas après 60 ans qu’ils vont encore ajuster quoi que ce soit dans leurs systèmes (dans le sens de l’innovation ou de la production locale). C’est dommage ! Et c’est critiquable ! On parle en matière de management interculturel d’horizon temporel à court terme alors que Nestlé avait un horizon temporel à long terme.

Bonne journée

Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA

Président de la Coalition pour la Production Nationale au Cameroun

Source: https://www.facebook.com

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