« POURQUOI LE CAMEROUN N’A AU PROGRAMME SCOLAIRE AUCUN LIVRE DE BAMILEKE, DE NORDISTE, NI D’ANGLOPHONE?
La raison, on la connait: les élevés lisent les livres, pour apprendre a parler Français. Ainsi, les auteurs qui peuvent leur enseigner le Français le mieux, ce sont les Français. Apres tout, c’est leur langue. La langue des Blancs, quoi. Donc on a Molière, bien sur, Corneille, Racine, Hugo. Ensuite viennent ceux que les colons Français ont appelé ‘les évolues par excellence’: les Beti donc, et les Douala. Car c’est eux évidemment, les Beti et les Douala donc, qui ont produit les premiers livres, vu qu’ils sont aussi les premiers a avoir été scolarises a la française: Ferdinand Oyono, Mongo Beti, mais aussi, Francis Bebey. C’est dans cette tradition que le choix des livres est fait au Cameroun. Et parce que le pouvoir politique suit la généalogie instituée par la France et qui a sa courroie de transmission chez les ‘évolues’, on se retrouve avec une pléthore d’auteurs beti au programme – Severin Cécile Abega, Pabe Mongo, Guillaume Oyono Mbia, Ernest Alima, Engelbert Mveng, Jean Claude Awono, etc., etc. Dans la lancée identique des evolues, on peut ajouter Leonora Miano, Douala. Njoh Mouelle. Ou Mpoudi Ngolle. Duala. Deux livres au programme. Deux. Ne sursautez pas, et ne criez pas au tribalisme, car ce n’est pas ca le problème dans un Etat lui-meme tribal. Le problème ce sont les auteurs qui ne sont pas lus, et la conséquence qui en découle, car le Cameroun ayant quatre groupes politiques, il en decoule que les auteurs qui sont lus dans les programmes scolaires ne sont issus que d’un seul de ces quatre groupes politiques.
Eh bien, aucun enfant camerounais qui a été forme au Cameroun, et je parle ici spécifiquement des enfants francophones, de toute sa formation scolaire et lycéenne jusqu’à ce qu’il atteigne l’université donc, n’a lu de livre écrit par un Anglophone, ni de livre écrit par un Bamiléké, ni de livre écrit par un Nordiste. Je répète: aucun enfant forme au Cameroun, de toute sa formation jusqu’à l’université, n’a lu de livre écrit par un Anglophone, ni de livre écrit par un Bamiléké, ni de livre écrit par un Nordiste. La littérature est une fenêtre ouverte sur une culture. Lire c’est déjà voyager un peu. Notre pays, un des plus divers d’Afrique et dont la population ne voyage pas pour découvrir son prochain, ne peut pas continuer a se donner le luxe d’ignorer les cultures qui ne sont pas Beti – car ne lire que les auteurs beti veut dire, en fait en même temps n’enseigner aux enfants camerounais que les cultures beti, mais surtout ne pas leur enseigner les cultures nordistes, ni les cultures anglophones, ni les cultures bamiléké. La conséquence de cette exclusion est terrible. Les enfants ne découvrent les Bamiléké qu’a travers les stéréotypes qu’en font les Beti – par Tchenguen dans ‘Trois prétendants, un mari’ de Guillaume Oyono Mbia, ou alors par Wamakoul dans ‘L’Homme de la rue’ de Pabe Mongo. Parce que justement les enfants ne lisent pas les auteurs bamiléké, ils grandissent avec des stéréotypes des Bamiléké véhicules par les Beti, dans les livres inscrits aux programmes scolaires.
Les enfants ne découvrent les Nordistes que dans les stéréotypes: ‘ce sont des moutons’. ‘Ce sont des vendeurs de bœufs.’ Parce que justement ils n’ont jamais lu d’auteurs nordistes en classe, ni analyse les complexité des cultures nordistes. De même les enfants ne découvrent les Anglophones que par des stéréotypes: ‘ce sont des Bamenda.’ ‘Ils sont gauches.’ Parce qu’ils n’ont jamais lu d’auteur anglophone, ni analyse la complexité de l’histoire et de la vie des Anglophones. Ce n’est pas tout. On tue plus facilement ceux qu’on ne connait pas. Et dans l’histoire de notre pays, depuis 1956 ceux qui ont subi le génocide sont: les Bamiléké, les Anglophones, et bien sur les Nordistes, après le 6 avril 1984. Les Beti, eux, n’ont jamais subi de génocide. Il y’a une relation de causalité entre la violence mise en branle contre son prochain, et l’ignorance. Car on tue ceux qu’on déshumanise, et le stéréotype déshumanise le prochain. Il devient ‘mouton’, ‘porc’, ‘chien’, pour citer le gouverneur Okala Bilai, qui ainsi dénommait les Anglophones, en 2016, avant le commencement de la guerre contre eux que Atanga Nji dit aujourd’hui avoir ‘gagnée’. Les Allemands ont d’abord déshumanise les Juifs avant de les tuer. Ils les appelaient ‘rats’.
De même les Blancs ont déshumanise les Noirs avant de les esclavagiser. Ils les sont appelés ‘negres’, ou ‘niggers.’ Les Tutsi ont été appelés ‘cancrelats’, avant d’être tues par les Hutus. Il n’y a rien de plus triste qu’un peuple qui se tue par ignorance l’un de l’autre, il n’y a rien de plus terrible qu’un peuple qui ne se connait pas. Car ce n’est pas comprendre la signification de la littérature. La littérature n’est pas seulement un substitut pour enseigner la langue des Blancs a nos enfants, elle est surtout et avant tout un substitut pour leur enseigner la culture de leur prochain. Il n’est pas, et il ne sera jamais normal que notre pays refuse systématiquement de faire nos enfants lire des livres écrits par ceux des gens qu’il tue de temps en temps. Car ca devient un système d’autant plus criminel que ceux qui tuent, ceux qui commettent le génocide, sont exactement ceux dont les livres sont lus en classe – les Bulu, qui sont une partie des Beti. Il y’a un cercle vicieux la que la littérature a la possibilité de rompre, car au moins elle permettrait de comprendre son prochain, et de savoir que le Nordiste n’est pas un mouton, que le Bamiléké n’est pas un porc, et que l’Anglophone n’est pas un chien. Comme grâce à Césaire qui est au programme, nous savons tous que nous ne sommes pas des ‘negres’, et encore moins des ‘niggers’. La littérature aura ainsi, chez nous, au moins servi a sauver des vies. Voila en dessous trois livres par lesquels il serait utile de commencer aujourd’hui déjà, car ce n’est pas les livres écrits par les Bamiléké, Anglophones ou les Nordistes qui manquent. Lisez ceci comme ma contribution, pour aider ce pays, le notre, et sauver notre peuple de son actuelle autodestruction.
Concierge de la republique
Source: https://www.facebook.com
https://camerounoye.com/2020/02/02/cette-decennie-est-celle-du-chassement-de-paul-biya/
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